Le grand retour du bal de la Comédie Française

juin 16, 2013

N'en déplaise à Harpagon, pour faire grand pour faire beau, rien de tel qu'un bal ! Et mieux vaut éviter de trop regarder à la dépense pour en assurer le succès. Surtout si le dernier remonte à 1934 et que seuls 3 ont été organisés depuis la création de la Comédie Française en 1680.
Habituée à batailler de passion et de jeu, la maison de Molière est prête, avec le soutien de ses mécènes, à tenir son rang comme il se doit le 4 juillet prochain. Il ne reste plus qu'à démonter la palissade qui masque le bâtiment.
Au menu de cette soirée de prestige destinée à lever des fonds : Accueil des invités (plus de 600 attendus pour une capacité d'accueil de 850 places) assuré par la Garde républicaine sabre au clair, visite des espaces privés du théâtre (coulisses, foyer des artistes, salle de réception Mounet-Sully etc..), spectacle inédit interprété par la troupe, vente aux enchères de costumes et accessoires du théâtre.
Après ce prélude ponctué de surprises dans l'esprit maison et d'un cocktail dinatoire de 25 pièces, place au bal rythmé par un orchestre de chambre composé de 10 musiciens. Puis entracte à minuit, le temps d'inaugurer l’éclairage extérieur de la façade place Colette avant de rejoindre (jusqu'au bout de la nuit) le Péristyle du théâtre transformé pour l'occasion en dancefloor. 
Même si dans l'esprit, il s'inspire du bal annuel du Metropolitan Museum of Art, pas de risques que celui de la Comédie Française ressemble au bal des horreurs donné lors du dernier Met Ball dont le thème Punk Chaos to Couture a été l'occasion pour certaines stars plus (Beyoncé, Madonna) ou moins (Miley Cyrus, Jessica Biel, Kim Kardashian) connues de dépasser les limites du mauvais goût. Fashion week oblige, certaines d'entre elles seront présentes à Paris comme les clientes étrangères des maisons de haute couture venues assister aux défilés.
D'où le choix de la date retenue par la Comédie Française pour cet événement qui s'inscrit dans sa politique de mécénat. Un domaine où l'EPIC ne fait pas figure de précurseur. Loin sans faut, son passage à l'acte remonte à 2006 - 40 ans après l'Opéra de Paris, le Château de Versailles ou encore le Musée du Louvre -, une fois les dernières réticences dissipées sur les craintes d'une ingérence des intérêts privées sur la création. Plusieurs sociétaires, vent debout, l'ont vécu comme un coup de théâtre.
Ainsi à côté des 12,6 M€ (salle Éphémère comprise) dégagés par l'administration centrale pour remanier l'ensemble du bâtiment, la Caisse d'épargne Ile-de-France, Natixis et Total via la Fondation du Patrimoine ont financés les 1,4 M€ de travaux (restauration acoustique et esthétique) de la salle Richelieu, réalisés en 2012. Il était temps de s'engager dans cette voie car ne rien changer aurait conduit à moins de créations, de productions et de mouvements avec pour conséquence inéluctable une perte d’autonomie.
Depuis l'irruption de la crise, l'EPIC dont le budget annuel s'élève tout de même à 34,2 M€ (dont 72% de subventions de l'Etat) a du mal à joindre les 2 bouts. A écouter Muriel Mayette, son administrative générale, le Ministère de la Culture aurait placé l'institution du Palais Royal dans une situation aussi critique que celle de Cléante et Valère, en réduisant sa dotation annuelle de 250.000 € (750.000 € sur 3 ans).
Sans l'aide de ses mécènes (+ de 30.000 €) comme Reed Smith ou des membres du Cercle (de 5000 à 30.000 €) comme Jones Day, la Comédie Française - 450 employés (dont 38 sociétaires et 24 pensionnaires) -, aurait bien du mal à continuer à réaliser 15 créations et 850 représentations par an sans compter les tournées en France et celles à l'étranger. D'où cette recherche d'une aide bienvenue du privé pour continuer à perpétuer l'esprit de Molière !