FCCF : sky’s the limit

juin 30, 2016

Décalée pour cause de visite en France de Liu Yandong, la vice-1ère ministre de Chine, l'inauguration de la 6ème édition du FCCF animée par la talentueuse et infatigable Lucie Liu de Phoenix TV, a pris beaucoup de hauteur cette année.
Invitée au Quai d'Orsay pour dialoguer sur les échanges humains franco-chinois tandis qu'à l'Elysée, François Hollande recevait plusieurs représentants de la communauté LGBT pour une réunion de travail sur la Gay Pride, la plus importante femme politique chinoise, seul membre féminin du politburo du PCC, s'est accordée une pause au Gaumont Marignan en compagnie de Jean-Marc Ayrault. Ensemble, ils ont honoré de leur présence le Festival du Cinéma Chinois en France co-organisé par le SAPPRFT, le nouvel acronyme de l’administration en charge du contrôle de la presse, de la radiotélévision, de l'édition et du cinéma, le Centre Cuturel de Chine et Pathé.
Souvent assimilé, à tort ou à raison, à un bureau de censure, l'ex-SARFT a tout de même laissé passer comme une lettre à la Poste, la pub pour la lessive chinoise Qiaobi où un ouvrier noir taché de peinture est poussé dans une machine à laver par une jolie chinoise qu'il convoite, en ressort, une fois lavé, en jeune chinois, propre et fringant. En réponse au tollé général soulevé en Occident par cette malheureuse(restons diplomate) initiative, un communiqué laconique de la société incriminée a laissé entendre que ”les médias étrangers étaient peut-être trop susceptibles”. Cela ne fait aucun doute quand l'on sait que les contrats d'une Miss France avec la Chine ont tous été annulés en raison de ses origines ultra-marines.
Ce choc des cultures évoqué le matin même par les intervenants de la conférence La Chine nouveau poids lourd de l'hôtellerie mondialeavec en guest star Philippe Rosenpick, François Delahaye, David Baverez, Jean-Bernard Falco, Pierre-Frédéric Roulot et Wu Qin, peut laisser penser à certains encore peu familiers avec cette civilisation 5 fois millénaire que c’est l’hôpital qui se moque de la charité”.
Heureusement aucune fausse note n'est venue troubler cette cérémonie protégée par un périmètre de sécurité (50 mètres autour du cinéma) qui a débuté en musique avec une troupe de ChongQing, la ville la plus peuplée de Chine (32 millions d'habitants) impressionnante de dextérité, mêlant des instruments occidentaux (accordéon, violon) et chinois (húqín, guzheng).
Et ce pour le plus grand plaisir des invités dont plusieurs n'ont pas manqué de remarquer la longueur des jupes (30 cm au-dessus des genoux) de 2 ravissantes sichuannaises jouant de l'accordéon et du violon tandis que celles affectées aux instruments traditionnels portaient un qipao descendant jusqu'aux chevilles. Un détail qui n'a pas échappé aux rares sinologues avertis, assis dans la salle désertée après le départ des officiels, rappelant l'envol d'une nuée de moineaux.
De quoi raviver bien des souvenirs chez les anciens maoïstes comme Marin Karmitz ou Bernard Kouchner et tous les nostalgiques de la révolution culturelle. Vu le contexte de cette édition, Pékin a fait un effort en apportant une aide plus soutenue qu'à l'accoutumé à cet événement boudé par les mécènes. Malgré la campagne menée contre les tigres et les mouchesavec la probable condamnation à perpétuité de Ling Jihua, l'ex-sécrétaire général du président Hu Jintao, dont le fils était au volant de la célèbre F447 noire accidentée, les chinois ont toujours du mal à comprendre l'expression française on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre.
Cinéphile averti, l'ex-professeur d'allemand salua l'amitié franco-chinoise et le partenariat stratégique entre nos 2 pays notamment dans le 7ème ème art avec les accords de coproduction datant de 2010, se réjouissant de la signature, l'an passé, de 6 co-productions franco-chinoises.
Prié de faire court en raison des impératifs liés au Protocole, Jérôme Seydoux s’exécuta en rappelant l'essor du cinéma en Chine où s'ouvre désormais chaque année autant de salles que le parc installé (5200) en France. A croire que là-bas, les arbres montent jusqu'au ciel.
Même consigne pour Michelle Yeoh et Donnie Yen, les 2 vedettes du film d'ouverture Tigre et Dragon 2 dont certains échos ne sont pas sans rappeler ceux colportés lors de la sortie du film Les Visiteurs 2.
Prêchant pour sa paroisse, l'auteur d'un mémorable faux bond lors de la 4ème édition du FCCF, a été bref tout en affirmant que ”la Chine réalisait de très bons films et disposait d'excellents actrices et acteurs. Pour le remplacer à la derniere minute, la toute jeune Xia Zitong qui n'en demandait pas tant, avait été propulsée au rang de rising star pour faire meilleure figure face à Catherine Deneuve.
Il faut dire que cette édition, placée sous le chiffre maléfique (comme le 666 chez la Sainte Eglise Catholique) honni par le quart de la population mondiale, a été la plus mitigée même auprès des adeptes de Rosemary's Baby réalisé par Roman Polanski et sorti en 1968, peu de temps avant le meurtre de Sharon Tate.
Cette année, c'est Isabelle Huppert qui a représenté le cinéma tricolore. Découverte dans Les valseuses, un film toujours diffusé sous le manteau dans l'Empire du Milieu, elle a témoigné de l'accueil chaleureux qu'elle y recevait à chacun de ses déplacements pour la promotion des films dans lesquels elle joue.
Souhaitons que cette 6ème édition endeuillée par le décès accidentel intervenu, le 18 juin, sur une route à Wuhan de Wu Jianmin, ancien ambassadeur de Chine en France (1998-2003) qui œuvra tant pour le rapprochement de nos 2 pays, tienne toutes ses promesses auprès de la communauté chinoise en France et du public français.
Après quelques tâtonnements, on parvient, non sans mal, à accéder aux horaires des séances sur le site (pourtant bien fait) du FCCF. En hausse constante selon les officiels chinois, la fréquentation du festival n'atteint pas encore l'essor du tourisme chinois en France (passé de 1 à 2 millions par an). Preuve que le travail de Laurent Fabius pour réduire le délai d'octroi des visas (de 6 à 2 jours), a porté ses fruits.
Même si la réciproque n'est pas de mise dans ce domaine comme dans d'autres, mieux vaut adopter l'attitude de Jean Lefebvre à l'égard de Lino Ventura dans Ne nous fachons pas.
CbAu détour de la sélection (11 films représentants tous les genres du cinéma officiel) de ce nouveau millésime attendu, les spectateurs vont découvrir certains aspects de la culture chinoise. Avec cette année 2 thrillers haletants, The dead end (烈日灼心) et The witness (我是证人), une coproduction sino-coréenne particulièrement réussie, réalisée par Ahn Sang-hoon (안상훈). Sans oublier 2 films touchants I am somebody (我是路人甲) au début ressemblant à The Party de Blake Edwards et le bouleversant Go away Mr Tumour (滚蛋吧!肿瘤君) ringardisant Le bruit des glaçons de Bertrand Blier.
De quoi permettre au public parisien de mieux connaître, entre 2 matchs de l'Euro 2016, ce peuple aux mille facettes dont la compréhension requiert l'accomplissement d'une longue marche. Une persévérance qui devrait animer le traducteur chinois chargé des sous-titres français trop souvent perdu dans les méandres de la langue de Molière en particulier avec le masculin de copine. Aussi pour lui apporter une aide sincère et désintéressé, le fait de penser à un compagnon qui mange du pain devrait lui éviter d'écrire copin et de porter préjudice au made in China.
Pour les plus curieux voulant s'imprégner encore plus de ses aspirations, ils peuvent se laisser tenter par le cinéma contestataire. Mais comme les choses changent vite en Chine,  il se réduit comme peau de chagrin. Ainsi Lou Ye, le réalisateur de Blind Massage (推拿), l'un des meilleurs films de la précédente édition du FCCF, n'avait pas manqué de contrarier Pékin avec son film Summer Palace (颐和园) retenu dans la sélection officielle (2006) du Festival de Cannes. Quant à Black coal, thin ice (白日焰火), Ours d'or et d'argent à Berlin (2014) contrairement aux apparences liées aux sujets traités, il s'agit bien d'un film  officiel.