La vision déformée du Barreau par l’Oncle Sam

juin 11, 2016

Pour se retrouver mort de rire à la lecture du classement pondu par l'américain Best Lawyers comme Bill Clinton écoutant le discours de Boris Elstine, on peut légitimement se demander si son auteur était aussi bourré que l'ancien président russe ?
En classant par practice les avocats français sur la base d'appréciations censées avoir été glanées auprès des membres du Barreau et des clients, cette publication anglo-saxonne ne craint pas de s'exposer aux critiques.
Bien au contraire, sa démarche pour le moins singulière contribue à la faire connaitre auprès d'un public à la langue bien pendue dont la soif de reconnaissance est une source intarissable.
Cela explique certainement le sobriquet dont cette honorable profession est affublée derrière les barreaux.
Coïncidant avec la revue de l'UJA, la sortie de la 7ème édition de ce classement n'a rien à envier au truculent spectacle concocté chaque année par de jeunes et talentueux avocats qui ne manquent jamais une occasion d'égratigner leurs pairs et l'institution judiciaire dans son ensemble pour le plus grand plaisir des spectateurs en particulier des greffiers, un public souvent plus exigeant envers les autres qu'avec lui même.
Réalisé dans la précipitation comme le sont également les grosses des jugements, ce classement s'apparente malgré tout à un florilège parsemé d'erreurs, d'approximations, de redondances et d'oublis. De fait, force est de constater, en étant affligé, qu'il s'agit bien, à plus d'un titre, d'un recueil de choses remarquables.
Ainsi ne pas mentionner Laurent Borey en fiscalité est non seulement un oubli mais un non sens tant lui et son équipe (Benjamin Homo, Olivier Parawan) dominent leur discipline, au point d'avoir été approché par Weil Gotshal.
En revanche, Daniel Payan, paisible retraité depuis 3 ans déjà, qui n'en demandait pas tant, a été distingué comme lawyer of the year en LBO alors que son activité se résume à la rédaction d'un ouvrage sur la guerre de 7 ans (1756-1763).
Pourtant cette practice est dominée par David Aknin et son écurie (Jean Beauchataud, Alexandre Duguay etc..) où Thomas Forschbach, ”la Lili Marlène du LBO”, également bien staffé (Denis Criton, Alexander Benedetti etc..), fait office de 1ère dauphine.
Plus discret mais tout aussi efficace, Eduardo Fernandez, le plus français des avocats américains également membre de la communauté hispanique, aurait également pu être nominé dans cette catégorie ou celle de private equity attribué envers et contre tout à Sébastien Prat.
Étonnant surtout que ce dernier a été primé quelques mois plus tôt en M&A par Option Droit & Affaires entraînant la stupéfaction chez plusieurs confrères estimant qu'il bénéficie de la reconnaissance des anciens clients de son illustre père. Certainement troublé par les enjeux de cette practice, Best Lawyers en perd la vue et l'attribue à Alain Maillot (ce qui ce conçoit aisément) mais également à Gaëtan de la Bourdonnaie de Ratheaux, un cabinet originaire de Lyon inconnu au bataillon tout comme le lauréat.
L'émotion de Best Lawyers atteint son paroxysme avec la charmante Alexandra Bigot parachutée en financements structurés comme Babette s'en va en guerre, une practice reconnue pour sa complexité et réservée à une élite dont fait partie Alban Caillemer du Ferrage, digne héritier de Pierre Gissinger en dérivés de crédit.
A moins que l'associée de Willkie Farr Gallagher n'ait servi de ”bouche trou” en étant casée dans cette practice. La sienne, le restructuring, étant déjà occupée, à juste titre, par Joanna Gumpelson, fidèle collaboratrice du regretté Jacques Henrot, également en cheville avec Patrick Jaïs, autre figure de De Pardieu Brocas Maffei.
Tant qu'à faire une place aux femmes les plus en vue, et c'est le moins que l'on puisse faire surtout pour celles qui sont mères, Anne-Sophie Noury formée comme Lionel Spizzichino à bonne école par Jean-Dominique Daudier de Cassini, aurait très bien pu y figurer. N'oublions pas de citer, Maurice Lantourne, l'autre mentor de cette discipline ardue.
En droit administratif où la place (méritée) attribuée à David Préat aurait très bien pu être occupée par Thierry Laloum tenu mieux informé des opérations financières que son illustre confrère dont Daniel Zerbib, son binôme en PPP, n'a pas d'équivalent pour l'instant. Même si derrière, la relève est assurée par de jeunes associés comme Driss Bererhi et Benjamin de Blégiers.
En droit public, là encore le distinguo apparaît ténu entre les catégories primées, Noël Chahid Nouraï, fait, tout de même à son âge (74 ans), figure d'ancien combattant. Contemporain et longtemps logé à la même enseigne, Olivier Fouquet aurait également fait l'affaire. C'est à se demander si Best Lawyers connait l'existence de Frédéric Salat Baroux (52 ans) issu du même sérail et auteur d'un parcours encore plus remarquable que ses distingués prédécesseurs au Conseil d'Etat.
En droit du sport, domaine réservé d'Yves Wehrlimanaging partner de Clifford Chance pour l'Europe Continentale, fonction qu'Alan Mason vient également d'hériter chez Freshfields (l'Allemagne en moins en raison du poids de Bruckhaus Deringer), on peut raisonnablement se demander si Best Lawyers l'a tenu comptable de la contre performance de Thibaud d'Alès, en dépit des efforts déployés, dans la défense de l'ex-président de l'UEFA ? Simple concours de circonstance, le titre est attribué à François Klein de KGA, l'un des membres du Tribunal Arbitral du Sport.
En tout cas, la revue américaine fait un tabac chez Gide où son classement est mis en exergue sur le site du cabinet sans la moindre retenue. Cette démarche pour le moins critiquable n'aurait pas déplu à Gérard langue de pute ! Aussi ne gâchons pas notre plaisir en découvrant son contenu.
Après Eric Cartier-Millon, Antoine Choffel et Caroline Texier, distingués dans l'édition 2016, c'est au tour cette année de Pierre Karpik (capital-risque) et Frédéric Nouel (droit immobilier) d'être désignés ”Lawyer of the Year”.
A noter que plus de la moitié des associés parisiens de Gide (43 au total) figurent dans cette nouvelle édition : Renaud Baguenault de Puchesse, Kamel Ben Salah, Aurélien Boulanger, Christian Camboulive, Eric Cartier-Millon, Antoine Choffel, Thomas Courtel, Olivier Cousi, Xavier de Kergommeaux, Baudouin de Moucheron, Olivier Dauchez, Laurent Deruy, Thierry Dor, Arnaud Duhamel, Stanislas Dwernicki, Christophe Eck, Jean-Gabriel Flandrois, Richard Ghueldre, Michel Guénaire, Pierre Karpik, François Krotoff, Emmanuel Larere, Carole Malinvaud, Didier Martin, Eric Martin-Impératori, Bénédicte Mazel, Hubert Merveilleux du Vignaux, Arnaud Michel, Laurent Modave, Nadège Nguyen, Frédéric Nouel, Michel Pitron, Bruno Quentin, Gilles Saint Marc, Joëlle Salzmann, Hugues Scalbert, Christopher Szostak, Rémi Tabbagh, Caroline Texier, Anne Tolila, Grégoire Triet, François Vergne, Emmanuel Vital-Durand.
De quoi agacer plusieurs associés par l'indécence de cette communication qui ”en fait des tonnes”, susceptible de précipiter parmi les plus offusqués de nouveaux départs du Cours Albert 1er.