Pascal Agboyibor : un modèle du genre

août 4, 2017

Difficile de passer l'éponge après la déclaration du Président de la République à son retour du sommet de l'OTAN où il fit connaissance avec Donald Trump "il ne faut rien laisser passer face à une logique de rapport de force car c'est ainsi que l'on se fait respecter".
Après ces paroles, ne pas réagir quand on est confronté à ce genre de situation, revient, en quelque sorte, à s'opposer à l'autorité suprême de la nation, une attitude susceptible de conduire, sous d'autres cieux moins propices qu'en France, son auteur au devant de graves problèmes.
Cela est encore le cas (toutefois moins que dans le passé) au Togo, pays où est originaire Pascal Agboyibor (50 ans), associé chez Orrick dont il est membre du board et head mondial de la practice Afrique.
Mina né à Tabligbo, une bourgade située à 80 km de Lomé, tombée depuis entre les mains d'indiens esclavagistes selon la presse locale réputée pour son sens de la mesure, il découvrit la France à 16 ans pour ses études. Egalement les escalators à son arrivée au terminal 1 de Roissy Charles de Gaulle, “sans prendre ses jambes à son cou” comme certains de ses prédécesseurs.
Après d'honorables études supérieures suivies à Lille, à bonne distance de la Capitale pour ne pas succomber comme bien d'autres avant lui aux nombreuses tentations de la “ville lumière”, son père fit jouer ses relations pour le “mettre sur les rails” (ndlr, il n'a heureusement pas connu le sort des chinois affectés à la construction du chemin de fer américain, loin de là !).
Avocat et militant des droits de l’homme, Yawovi Agboyibor, opposant (modéré) à Gnassingbé Eyadema, devenu plus tard 1er ministre de transition (15 mois) à la mort de ce dernier, présenta son fils à Stéphan Alamowitch, un avocat en poste chez Jeantet & Associés, à l'époque l'alter ego de Gide, rencontré quelques années plus tôt sur le dossier de l'attentat du DC 10 d'UTA.
À l'instar d'Eric Cartier Millon avec Toufic Abi Fadel, désormais general counsel à Qatar First Bank à Doha, ce dernier accepta de le prendre sous son aile pour lui apprendre le métier sous l'angle des financements. Débuté en 1994, avenue Kléber à quelques mètres de son domicile, son parcours initiatique continua chez Watson Farley Williams (WFW) où il suivit comme Django le Dr King Schultz, son mentor, connu pour son éclectisme, qualité rare de nos jours, recruté comme associé dans cette UK law firmspin off de Norton Rose.
Une fois sur place, il fit la connaissance de David Syed arrivé 2 ans plus tôt en provenance de Renault avec qui il s'acoquina rapidement. L'implication de ce dernier sur les US tax Leases lui conféra une position enviable (jusqu'à leur tombée en désuétude) mais contestée en interne conduisant très vite Edward Nalbantian à rejoindre Jones Day. Plus tard, Stéphan Alamowitch en fit autant en allant chez Morgan Lewis, 2 ans après l'exode de 2002 où l'ensemble des forces vives de WFW se retrouva chez Orrick avant de fusionner en 2006 avec Rambaud Martel. Créé en 1863, à San Francisco, la law firm californienne compta Levi Strauss parmi ses premiers clients.
Associé depuis peu, Pascal Agboyibor, préféra rester chez Orrick en prenant la place vacante de son mentor dans plusieurs de ses practices de prédilection notamment en titrisation, discipline ardue qui lui valut un succès d'estime. Conscient de ses limites et des répercussions du krach de Lehman Brothers sur cette matière placée dans le collimateur du régulateur, il préféra passer le témoin à une ex-pointure de cette practice sur le déclin.
Averti ou non du peu d'estime de ce dernier à son égard, il réussit à le réduire à la simple condition d'aubergiste sur les bords du lac de Côme. Une manœuvre pas très éloignée de celle ayant conduit son compatriote Gilchrist Olympio à s'expatrier (également dans un pays limitrophe du sien) de crainte de subir le même sort que son père, le 1er président du Togo, mort 10 mois avant JFK dans des circonstances similaires.
Une fois de plus, le fondateur du Club Kléber put compter sur l'intervention de son père qui l'aida à prendre professionnellement pied sur le continent africain. En 2008, Orrick fût désigné comme l'un des 3 cabinets conseil de l'Etat guinéen dans la commission d’audit des contrats miniers. Concours de circonstances au moment où Lansana Conté, le successeur d'Ahmed Sékou Touré, célèbre pour avoir tenu tête au général de Gaulle, décédait de mort naturelle au tout début de son 4ème mandat, OJ Simpson, également père de 2 enfants avec une “blanche”, écopait de 33 ans de prison ferme à Las Vegas.
Dans la foulée, Pascal Agboyibor prit le relais de son père sur les divers contentieux impliquant la RDC aux “fonds vautours” dans le cadre du Club de Londres. Sachant saisir sa chance avec talent, son influence en Afrique prit de l'ampleur à compter de 2012. A cette époque, il déclina (à tort ou à raison) la proposition de s'occuper de l'interminable succession Soppo Priso, aussi célèbre au Cameroun que celle de Picasso, apportée sur un plateau par un ami dont le nom figure sous l'Arc de Triomphe. Peut être pour éviter de se faire trop d'ennemis d'un coup et risquer de finir comme l'infortuné Yves Michel Fotso, fils de l'homme le plus riche du pays (après Paul Biya)?
Devenu managing partner du bureau de Paris et responsable du desk Afrique, ses bons résultats vont le propulser global head Afrique de l'US law firm. Bon an mal an, il facture l'équivalent du double du salaire versé à Jean-Pierre Martel (5 M$ sur la base d'une parité 1 $ pour 1 €) qu'Orrick a essayé de renégocier à plusieurs reprises avant de finalement y parvenir. En fonction du cours de change, il arrive au “vieux” (71 ans), marque de respect en Afrique, tombeur de Bernard Tapie et de bien d'autres têtes, d'être parmi les mieux payés de la law firm au niveau mondial.
Pour atteindre son chiffre, le global head Afrique s'appuie sur une équipe dévouée de 8 collaborateurs à Paris et d'un 2ème  bureau à l'effectif identique, ouvert non sans mal à l'été 2015, à Abidjan. Dans les faits, l'antenne de Cocody dispose d'une autonomie limitée et pas seulement en raison de son taux horaire préférentiel (250 $ en moyenne, l'équivalent de 130.000 FCFA) au lieu des 600 € habituellement facturés avenue Pierre 1er de Serbie par un associé. En fonction des besoins notamment du barrage d'Inga sur le fleuve Congo, là même où disparu Philippe de Dieuleveult, un projet pharaonique évalué à 80 Md$ (près de 3 fois le PIB de l'ex-Zaïre), d'autres practices (infrastructures, mining, etc..) et d'autres bureaux (Londres, Pékin, San Francisco, etc..) d'Orrick peuvent être mobilisées.
Moins redevable à son père que Sébastien Prat qu'il a croisé chez Jeantet, au sien, Pascal Agboyibor, en prenant du galon et l'assurance qui va avec, décida de reprendre le surnom paternel de “bélier noir”.
Connu pour son caractère bien trempé (ndlr évidemment pas de “poule mouillée”), celui que Jeune Afrique décrit comme quelqu'un qui aime foncer et écraser, tout en lui consacrant une large place dans ses colonnes, aurait très bien pu faire la dernière “Une” de Charlie Hebdo.
En tout cas, il aurait été bien inspiré de savoir que le bélier est le Satan du zodiaque, un dissimulateur qui ne se découvre jamais. Mais également de ne pas imiter Pitang Tchalla, le ministre de l'information de Gnassingbé Eyadema, connu pour ses coups de fils rageurs à l'égard des journalistes de RFI qui mettaient en lumière les dérives du pouvoir qu'il servait, en s'adressant à un “grand frère” aussi connecté en titrisation (et pas seulement) que Jacques Foccart du temps de la France-Afrique après avoir tenté de le faire passer auprès d'un de ses associés ayant grandi au Bénin, pour un “petit blanc”. Sachant que dans l'ex-“quartier latin“ de l'Afrique, on peut “chicoter” et même ”basser” pour moins que cela ! Mais les yovo ne réagissent pas ainsi.