Long et bon, le moment que toute personne normalement constituée aspire à connaître, est l'expérience que l'on peut vivre au Shangri-La Paris, à l'occasion d'un déjeuner à La Bauhinia.
Pour ceux dont les bureaux sont à proximité, autant succomber à la tentation à l'image de cette US law firm venue tester cette table qui lui a été recommandée.
Exigeante avec elle-même avant de l'être envers les autres, cette clientèle éduquée - 5 hommes et 1 femme - qui connait bien la valeur des choses, n'est pas du genre à s'émerveiller pour un rien. Dotée d'un esprit bien fait, allant droit à l'essentiel, elle peut défaire bien des choses mais toujours avec retenue et discernement. Des qualités qui font souvent défaut aux critiques gastronomiques sans parler de la presse féminine, mondaine et people qui s'essayent de temps à autre à cet exercice délicat où il est facile de perdre sa crédibilité.
Avec ses couleurs pourpre et céladon, ses canapés profonds et cossus, ses tables espacées, l'endroit, une rotonde avec une verrière - moins élégante que celle de Gustave Eiffel que l'on aimerait mieux contempler ici qu'à l'hôtel Vernet - s'avère particulièrement propice aux déjeuners d'affaires. Les convives, servis avec grace et amabilité, prennent leur repas sur de larges set de tables épurés qui ont remplacé les nappes du breakfast.
Le menu carte - entrée (16 €), plat (31 €), dessert (8€) - proposé à 48 €, offre un bon rapport qualité-prix pour ceux qui veulent déjeuner léger. Rien à voir avec les prix pratiqués par Kinugawa. Cette dernière adresse prisée du show business (Arthur, Marc Lavoine, etc..) mais aussi de la ’’reine-mère’’ du private equity et plus étonnant encore par ce talentueux et discret partner d'un magic circle,rappelle aux cinéphiles la scène où Kato déguisé en Gheisa surprend le facétieux inspecteur Clouseau, en plein déjeuner. Avec une qualité et un service digne d'un Zero (pointé) fondant sur l'US Navy, mieux vaut se rabattre sur des valeurs sûres comme Yoshi où officie Zhang Bing Heng formé chez Kai où l'on croise Kei Kabayoshi, Guilo Guilo, Kunitoraya ou encore Momoka.
Autre endroit plus people (Jean-Claude Darmon, Patrick Bruel, Matthieu Pigasse etc..) que show business l'hôtel Coste où l'à peu près est de mise. L'été, sa terrasse surpeuplée attire quelques égarés, en particulier l'une des meilleures équipes PPP de la Place aperçue avec un invité de marque dans son élément comme un poisson hors de l'eau. Aux antipodes de cette clientèle ’’tape à l'oeil’’, se trouve celle - plus élégante - de la Cour Jardin du Plaza. Ce lieu unique à Paris - avec les 2 terrasses de Laurent - où il fait bon déjeuner (et diner), peut réserver des surprises comme la visite d'un couple de geai venu ’’faire le ménage’’ dans la luxuriante végétation.
Que dire aussi de Bred & Roses à connaitre une fois - mais une seule - dans sa vie. Si possible accompagné par cet of counsel d'une US law firm promis à un bel avenir, dont la meilleure table est réservée tandis que ses confrères sont aiguillés vers le comptoir. Les tarifs pratiqués - un copieux hamburger (33 €) servi avec des frites molles accompagné d'un cheese cake (12 €) à vous étouffer plusieurs chrétiens à la fois -, rebuttent même le personnel d'Hermès pourtant habitué à la valse des étiquettes mais surtout à des produits d'une qualité irréprochable.
A la Bauhinia, on n'a pas encore atteint le niveau d'excellence sis au 24 faubourg. Certainement pour gagner du temps, l'impasse est faîte sur les mises-en bouche. Précaution inutile quand l'un des 6 convives attend toujours qu'on lui apporte son plat - onglet de black angus, fricassé de champignons, câpres, sauce au poivre -, alors que les 5 autres sont servis depuis 15'. Les excuses du maitre d'hôtel pour ce retard imputable au chef en cuisine n'ont pas levé le voile de cette égnime ponctuée d'un ’’élémentaire mon cher Watson’’.
Sans surprise l'harmonie des saveurs de la cuisine thaï, est respectée à la lettre. Pour faire durer le plaisir, on peut déguster la Yal Som'O (Salade de pomelo, crevettes, vinaigrette épicée, coriandre fraîche,cacahuètes et citron vert) et le Pad Thaï aux crevettes, avec d'élégantes baguettes couleur ébène de 30 cm. Au Shang Palace, haut lieu de la cuisine de l'Empire du Milieu, elles sont couleur ivoire.
Pour les amateurs de fois gras poilé (à point), le plat est accompagné d'une émulsion faisant office de garniture, un bol de riz basmati à la citronnelle et au lait de coco vous est offert à la demande. Pour finir sur une touche sucrée, un savarin parfumé au rhum, crème battue à la vanille tient toutes ses promesses. Pour les habitués du moka d'Ethiopie, mieux vaut faire l'impasse sur le café Illy (7 €) mais pas sur les mignardises (14 €). Pour accompagner ce déjeuner, le Saint Joseph Domaine F.Villard 2011 (62 €) s'est révélé décevant. Mais la Chateldon (12€) a dissipé ce moment d'égarement.
Revenir à la Bauhinia pour un déjeuner d'affaires soumis à d'élémentaires régles de savoir-vivre et de contraintes de temps ? Maybe comme on dirait Mabuhay.