Sur le modèle de ”Tigre et dragon”, oscarisé en 2001, Xi Jinping dirige, à sa manière, un blockbuster haletant dont le casting ne cesse de s'étoffer. Après s'être ”fait moucher” à l'aéroport de Pékin, Wu Xilin, l'ex-conseiller économique et commercial de l'Ambassade de Chine à Paris, n'a pas été en mesure de se libérer pour assister à la 5ème édition du Festival du Cinéma Chinois en France (FCCF).
Dans l'histoire de la Chine, le cinéma dont la naissance officielle remonte à ”Mont Dingjun” (1905), a toujours tenu une place importante. Peu de temps après sa création en 1895 par les frères Lumière, le 7ème art s'est exporté à Shanghai, à l'époque concession étrangère sous l'emprise de la”Bande Verte” (青帮), où il suscita beaucoup de vocation dont celle contrariée de Jiang Qing.
Cantonnée au rôle de figurante pendant l'âge d'or du cinéma chinois, l'ex-femme de Mao se vengea pendant la Révolution culturelle, faisant châtier l'ensemble de la profession tenu pour responsable de ses déboires et interdire le moindre tournage en dehors des films de propagande.
Après une traversée du désert suivie d'une longue marche, le cinéma chinois, consacré avec”Le sorgho rouge” (1987), Ours d'Or à Berlin, puis avec ”Adieu ma concubine” (1993), Palme d'Or à Cannes, a fini par devenir incontournable sur l'échiquier international.L'an passé avec 830 millions d'entrées (4,7 Md$) - contre 209 millions en France (1,3 Md€) -, le box office chinois tiré par un engouement qui ne se dément pas, se prépare à franchir, en 2015, le cap du milliard d'entrées.
Toutefois cette fréquentation représente 0,63 place par habitant soit 3 fois moins qu'en France où la part des films américains est cantonnée à 48,2% (70% en Europe) contre 65% en Chine. On comprend mieux pourquoi le modèle français force l'admiration des officiels de Pékin. Avec 2% de part de marché (17 millions d'entrées), en 2014, le cinéma tricolore y réalise son meilleur score à l'international.
Dix ans plus tôt, à l'occasion de l'année de la Chine en France, Deanna Gao (fille du secrétaire personnel de Sun Yat-sen, le père de la Révolution chinoise) a créé de toute pièce le Festival du Cinéma Chinois à Paris, lequel a soufflé, l'hiver dernier, ses 9 bougies. En voulant l'imiter sans avoir le bagage culturel nécessaire et les guan xi auprès des autorités chinoises, les frères Tang se sont ”pris les pieds dans le tapis”.
Plus jeune, le FCCF dont la vocation est aussi de faire découvrir au public français toute la diversité du cinéma chinois, s'y emploie avec un prisme beaucoup plus officiel. Émanation du Centre Culturel de Chine (CCC) à Paris, cet événement privilégie la production mainland dûment estampillée du visa du SARFT. En général, le vice Ministre de cette administration centrale chargée d'encadrer le cinéma mais aussi tous les médias (TV, presse, radio), se déplacent pour assister à la cérémonie d'ouverture présidée par l'Ambassadeur de Chine en France en présence des présidents du CNC, du CCC et de Pathé.
Ceux qui suivent le FCCF depuis ses débuts, ne peuvent que se féliciter des progrès accomplis, fruit du travail acharné de l'équipe franco-chinoise qui l'anime avec beaucoup de dévotion. Ce partenariat unique en son genre a permis de faire venir Gong Li (invitée d'honneur de la 2ème édition), de faire découvrir, l'année suivante, au public français Zhao Wei. De projeter des films inédits en France d'une intensité émotionnelle que seul le cinéma chinois est capable de procurer :”Tremblement de terre à Tangshan” (唐山大地震), 1er film chinois IMAX, ”Sous l’aubépine” (山楂树之恋), ”L’amour éternel” (最爱), ”So Young” (致我们终将逝去的青春), ”Feng Shui” (万箭穿心). Mais aussi des comédies plus ou moins réussies comme ”L’amour n’est pas aveugle” (失恋33天) et le lourdingue ”Lost in Thailand” (泰囧). Sans oublier les inévitables films de Wu Xia (武侠片), un genre très prisé dans l'Empire du Milieu mais beaucoup moins en France.
Manifestement très satisfait du film de Philippe Muyl,”Le promeneur d’oiseau” (夜莺), une coproduction franco-chinoise dont l'accord a été finalisé dans le cadre des rencontres professionnelles organisées par le FCCF à Cannes, la RPC l'a présenté aux derniers Oscars. Ce choix en a étonné plus d'un puisque ce remake du film ”Le papillon” (2002) tourné avec le regretté Michel Serrault, a été préféré à ”Coming home” (归来) de Zhang Yimou avec Gong Li. Cette décision n'a pas été étrangère à la campagne menée contre ”les tigres et les mouches”, le film ayant bénéficié du soutien financier de la fatrie (tombée en disgrâce) de Ling Jihua, l’ex-chef du Bureau général du Comité central du PCC sous Hu Jintao.
Invité d'honneur, Dany Boon accompagné de son épouse, a joué son rôle à merveille faisant rire aux éclats la salle du Gaumont Champs-Elysées composée à 85% de chinois. Par sa prestance, le plus célèbre des ch'tis a fait oublier l'anémie de Jean Reno qui a essuyé les plâtres de la 1ère édition, le faux bond d'Alain Delon ”vexé comme un pou” que Gong Li lui vole la vedette et le gratifie d'un outil de jardinage. Mais aussi la gaffe monumentale de Vincent Pérez affirmant (en plus avec insistance) devant un parterre de journalistes chinois (médusé) que ”les taïwanais n'étaient pas des chinois”.
Cette 4ème édition fût aussi marquée par la venue de Catherine Deneuve et le remplacement au pied levé de Donnie Yen par la toute jeune Xia Zitong très intimidée de se retrouver ainsi sur le devant de la scène. Sans surprise, les exigences (démesurées et mal venues) de l'ex-disciple de Jet Li n'ont pas échappé à ”l’œil de Pékin” qui, vu les enjeux, porte une attention (toute) particulière à la réussite du FCCF. Il faut dire que quoi qu'il arrive,”Tapage au palais céleste” (大闹天宫) l'atteste, ce festival est assuré d'avoir toujours bonne presse en Chine.
Avec l'humour qui le caractérise si bien, Dany Bonn n'a pas hésité à aborder un sujet qui fâche, celui de l'ampleur du piratage en Chine. Son talent aidant, cette mention est ”passée comme une lettre à la Poste”. Exercice d'autant plus remarquable quand on a un petit air de famille avec Du Yuesheng (杜月笙), surnommé ”Du les grandes oreilles”, chef de Triade et homme de main de Tchang Kaï Chek, soupçonné d'avoir commandité l'incendie du Georges Philippar.Très populaire en Chine depuis le succès du ”Dernier Loup”, Jean-Jacques Annaud se pencherait (en catimini) sur la vie trépidante d'Albert Londres.
Seule ombre au tableau de cette soirée d'inauguration, Dany Boon ne portait pas de noeud papillon pour faire bonne figure aux cotés de Xu Jing Lei qui tout comme lui écrit, joue et réalise. Cette ravissante actrice chinoise ne manqua pas de lui faire remarquer, sur le ton de la plaisanterie, oubliant, au passage, que Jérôme Seydoux, était tout aussi débraillé. S'exonérer des convenances (même à 81 ans), n'est jamais bien vu surtout devant des officiels chinois de si haut rang.
Parmi les 10 films retenus cette année, ”Blind massage” (推拿) présenté à Berlin, apparaît comme celui le plus attendu de la sélection supervisée avec brio par Noël Garino qui forme avec Jean-Chrétien Sibertin Blanc, un binôme d'une efficacité peu commune, aguerri au choc culturel.
Après la projection de ”Somewhere only we know” (有一个地方只有我们知道), le film réalisé par Xu Jing Lei qui interprète également le rôle de la grand-mère, une réception s'est tenue au Meurice dont la fidélité et le soutien indéfectible au FCCF ont été salués par les officiels chinois.
En dépit d'une affluence qui ne se dément pas au restaurant gastronomique du palace, Christophe Saintagne *** est venu discrètement vérifier que tout se passait bien. Cette réserve, signe d'une grande maîtrise de soit même, détonne avec l'attitude de Frédéric Anton ***. Moins svelte que son pair, ce MOF ne manque jamais une occasion de venir se montrer lors du cocktail de l'Ambassade de Chine qui se tient traditionnellement au Pré Catelan avec des plats chinois préparés au Zen Garden où contrairement à Shang Xia, la perfection n'est pas une fin en soi.