Le cinéma chinois tombe le masque au Meurice

juin 11, 2017

En l'absence remarquée de films chinois en compétition lors du 70ème Festival de Cannes où cette année, le cinéma asiatique était représenté par les réalisateurs sud coréens Bong Joon Ho (Okja), Hong Sangsoo (Geu-Hu) et japonais Naomi Kawase (Hikari), la sélection de cette 7ème édition du FCCF a été à l'image des millésimes du bordelais (rouge et blanc sec) se terminant par 7.
Inversé, ce chiffre rappelle le mot festival en chinois (节) adopté par le FCCF comme logo en forme de caméra. Cette année parmi les 11 films sélectionnés mélangeant blockbusters et films d'auteurs, figuraient 4 des plus grands succès du box office mainland des 15 derniers mois.
Remarqué par la critique, Call of heroes (危城), un Wu Xia présenté comme rafraîchissant, côtoyait Book of love (北京遇上西雅图之不二情书) réalisé par Xue Xiaolu avec Wu Xiubo dans le rôle principal, crédité du plus grand succès (114 M€ de recettes), à ce jour, au box office  pour un film romantique.
Egalement The Wasted times (罗曼蒂克消亡史), un film d'époque sur le Shanghai des années 30 avec Zhang Ziyi dans un rôle sur mesure rappelant celui joué par Brigitte Bardot dans La Vérité (1960). Sans oublier, I'm not Mme Bovary (我不是潘金莲), un film au titre emprunté à l'univers de Gustave Flaubert, au format s'inspirant de l'expression française “voir par le petit bout de la lorgnette”, offrant à Fan Bing Bing un rôle de composition.
L'occasion pour les spectateurs de découvrir la diversité de ce cinéma devenu en terme de production de films, le 2ème au monde derrière l'Inde. Ce dont les officiels chinois présents à la cérémonie d'inauguration n'ont pas manqué de répéter (marteler pour les spectateurs les moins indulgents) avec en prime la diffusion d'un film de promotion (aux allures de propagande pour les plus suspicieux) de 15' à la gloire du 7ème art de l'Empire du Milieu. Et ce, après l'avoir souligné lors de la conférence de presse réunissant la réalisatrice Xue Xiaolu et l'acteur Wu Xiubo puis, à nouveau, lors de la venue de Fan Bing Bing. Au cas où le message ne serait pas passé auprès de l'assistance. Il n'y a donc pas qu'à l'opéra chinois où l'on tombe le masque !
La présence de la star révélée à 17 ans dans la série culte chinoise My Fair Princess, sélectionnée à 36 ans dans la prochaine liste Time 100, a été le point d'orgue de cette 7ème édition. Levée “dès potron-minet”, le lendemain même de la remise de la Palme d'Or à laquelle elle assistait, 20 ans après l'indétrônable Gong Li, comme membre du jury présidé cette année par Pedro Almodovar, elle s'est prêtée volontiers, malgré sa fatigue apparente, aux interviews en one to one menés dans une suite du Meurice. Puis, plus tard, encadrée par 2 représentants du Centre culturel de Chine, à la conférence de presse organisée en son honneur dans l'un des salons du palace.
Autre partenaire du FCCF avec Air France revenu après 6 ans d'absence, Maotai, la marque de baijiu (alcool blanc distillé à base de sorgho fermenté), s'est fait moins discret lors du cocktail organisé au Meurice que sur les affiches du festival pour cause de Loi Evin.
Lorsqu' il découvrit cet alcool lors de la visite historique de Richard Nixon en Chine, en 1972, Dan Rather, le célèbre journaliste américain de CBS, s'exclama “cela a le goût d'une lame de rasoir”. Cette année, l'absence remarquée de la Connie Chung de Phoenix TV lors de la cérémonie d'ouverture, n'est pas passée inaperçue. N'ayant pas le don d'ubiquité même si elle en a beaucoup d'autres, l'infatigable Lucie Liu était partie quelques jours à Suzhou, sa ville natale, entre 2 reportages.
Rétif à l’utilisation de la traduction simultanée, le Centre culturel de Chine, co-organisateur avec Pathé du festival, a fait peu de cas des quelques journalistes français présents.  A l'instar du précédent rendez-vous, 15 jours plus tôt, la traduction, il est vrai laborieuse, a été escamotée pour des raisons de timing ou peut être pour ne pas risquer de tomber de sa chaise en découvrant que ce festival est présenté comme l'un des principaux événements culturels de Paris.
Les plus motivés dont l’emblème national a été mis à l'honneur sur l'affiche du festival pour cause de calendrier chinois, pouvaient se pencher vers leur voisin pour capter la teneur des échanges, au risque de s'entendre dire comme les rares touristes pendant la Révolution culturelle, 我不知道 (Wǒ bù zhīdào).
Invitée du festival aux côtés de Juliette Binoche, Elsa Sylberstein, Claude Lelouch et Dany Boon (de loin le plus apprécié), Joyce Jonathan connait bien cette expression pour en avoir fait une chanson intitulée “Je ne sais pas”. Outre la marque de sympathie dont elle bénéficie en Chine, cette dernière dont le 1er album sorti, en 2010, est arrivé dans le top 5 des charts à Hong Kong, est aussi connue pour avoir été la petite amie de Thomas Hollande. Ce détail a échappé à la presse chinoise pourtant friande d'histoire “à l'eau de rose” surtout quand elle concerne des “princes rouges" en particulier ceux de la 3ème génération. Entrent dans cette catégorie de “fils à Papa” habituée à “faire couler beaucoup d'encre“, Xi MingZe, la fille de l'actuel secrétaire général du PCC, Kevin Wu, le petit fils de Wu GuangZheng, ancien secrétaire de la redoutable Commission centrale disciplinaire du PCC.
Sans oublier feu Ling Gu, le fils de Ling Jihua, l'ex-chef de la direction générale du comité central du PCC, issu comme Hu Jintao de la Ligue de la jeunesse, les “frères ennemis“ des “fils de prince”. Ni Bo GuaGua, le fils de l'ex-homme fort de Chongqing. La ville la plus peuplée de Chine que les spectateurs ont retrouvé à l'affiche avec Chongqing hot pot (火锅英雄), une comédie légère pour adolescents attardés.
A ne pas mettre en toutes les mains, surtout entre celles de ceux qui comptent se rendre en Chine, Coup d'Etat à Pékin, version française de la minutieuse l'enquête (A death in the lucky holiday hotel) menée via la blogosphère par 2 journalistes chinois réfugiés aux USA, publiée chez Slatkine & Cie, relatant (par le menu détail) l'affaire Bo Xilai, ferait un excellent thriller politique comme en son temps Les hommes du président (1976) sur l'affaire du Watergate.
Habituée à vivre chaque année, le titre d'un autre thriller sorti en 1962 et porté plus tard à l'écran par Martin Scorcese, l'équipe française du FCCF qui contribue, à force de patience, de travail et d'abnégation à la réussite du festival, prouvant ainsi qu'impossible n'est pas français même si à l'impossible nul n'est tenu, appréhende déjà la prochaine édition. Et pour cause, à l'automne prochain doit se tenir le 19ème Congrès du PCC lors duquel Xi Jinping doit se succéder à lui-même pour un nouveau mandat de 5 ans. Mais cet événement sans précédent doit être également le théâtre de la composition du prochain bureau politique dont 11 des 25 membres doivent partir à la retraite et celle du comité permanent où 5 des 7 membres en dehors de Xi Jinping et du 1er ministre Li Keqiang doivent se retirer ayant dépassé la limite d'âge fixée à 68 ans.
Reste à savoir si Xi Jinping comme beaucoup le pressentent, va saisir l'occasion qui se présente de s'affranchir de la direction collégiale instaurée par Deng Xiaoping et concentrer le pouvoir entre ses mains à l'instar du “grand timonier”, en son temps?
Pour les connaisseurs de la Chine du calibre de David Baverez, auteur de Paris Pekin Express, un livre expliquant avec brio la “démocrature” chinoise, “système fait par des vieux pour des jeunes” selon l'auteur, les Cassandre s'attendent à ce que la 8ème édition prenne des airs de Grande Vadrouille. Cité comme exemple par SEM Zhai Jun, ambassadeur de Chine en France, louant l'humour français lors de l'ouverture du festival au Gaumont Marignan, ce film (1966) est resté 31 ans en tête du box office français.
Solidement ancré dans les mémoires en raison de la performance de Bourvil et Louis de Funès dans cette comédie sur l'Occupation, un sujet pourtant sensible déjà évoqué de façon plus grinçante avec La Traversée de Paris (1955) où les 2 acteurs partageaient l'affiche avec Jean Gabin, le monstre sacré du cinéma français, ce long métrage fût détrôné par Titanic (1997). Avant d'être devancé par Bienvenue chez les Ch'tis (2008) et Intouchables (2011). Souhaitons à nos amis chinois, le même succès et longévité au FCCF.