Nul risque que le jardin public et parc d'attractions du Bois de Boulogne se fasse étriller par la Cour des Comptes comme le Zoo de Vincennes.
Et pour cause, sa nouvelle concession (2016-2041) rapporte 2 M€ de redevance par an à la mairie de Paris hors up side et sa fréquentation, 3 mois après sa réouverture, dépasse (de loin) les estimations les plus optimistes.
A l'Est de la Capitale, autre son de cloche, le PPP (2014-2039) conclu avec le Muséum national d'histoire naturelle est si mal en point que son avenir devrait se jouer, en 2019, avec plusieurs options à l'étude.
Pour éviter la cessation de paiement (18 mois à peine après sa réouverture), le Ministère de l'Enseignement Supérieur a dû mettre la main à la poche (9 M€ fin 2015) puis à nouveau (17 M€ pour 2017 et 2018).
En dépit de quelques aléas (intempéries, découverte de pollution du terrain, modifications du périmètre des travaux pour combler certains oublis), à la différence de la Fondation Louis Vuitton, les coûts (172 M€) ont été contenus (+ 6,2%) comme le délai de livraison (49 mois au lieu de 45). Dans l'intervalle, la courbe des taux, favorable à l'emprunteur, a réduit (2,1 M€) la redevance moyenne annuelle (15,2 M€) versée à la société projet. En dépit de cela, le déficit structurel atteint 7,4 M€ par an.
Pourtant la MAPPP avait validé à 2 reprises (2007 et 2008) le principe de ce PPP bénéficiaire de 30 M€ de subventions et ses prévisions de fréquentation (1,4 million d'entrées en moyenne annuelle). Après un bon démarrage (1,26 million d'entrées, en 2014, sur 8 mois), la chute n'a cessé de s'accélérer pour atteindre 650.000 visiteurs en 2017.
Un chiffre bien inférieur à celui du Jardin d'Acclimatation (JDA) qui après l'ouverture de la Fondation Louis Vuitton a attiré 300.000 visiteurs supplémentaires pour atteindre les 2 millions d'entrées. Cet “iceberg posé sur l'eau” conçu par Frank Gehry, l'architecte notamment de la Cinémathèque de Paris et du musée Guggenheim de Bilbao, a été inauguré, en octobre 2014, 7 mois après la réouverture du Zoo de Vincennes et 7 ans après la signature par Bertrand Delanoë d'une convention d'occupation du domaine public (55 ans). Sur chaque billet vendu (16 € plein tarif), la fondation reverse 1,5 € au JDA sans besoin d'y accèder.
Estimé à 100 M€ (base 2006), le coût des travaux a été très largement dépassé pour atteindre 790 M€ dont 106,5 M€ de TVA non récupérables. Prévu pour la fin 2009, leur achèvement n’est finalement intervenu qu’en 2014. Si les contentieux ont ralenti de 3 mois les travaux, ce retard de 4,5 ans et le surcoût tiennent surtout à la difficulté technique du projet. Ce dernier a dépassé le budget (466 M€) annoncé pour la rénovation du Grand Palais qui a plongé Stéphane Bern dans le désarroi. Le “monsieur patrimoine” a menacé de quitter son poste s'il se sentait considéré comme un “cache-misère” ou un pantin.
En 2062, le transfert de cette fondation d'intérêt général (régie par l'article 238 bis du CGI) à la Mairie de Paris mettra fin au versement au concédant d'une redevance annuelle (50.000 € avant et 100.000 € après son ouverture au public) hors upside (6% du CA entre 6 et 8 M€ et 8% au delà). Depuis 2015, la Mairie de Paris a reçu près d'1 M€ par an. Ce chiffre est le résultat du succès rencontré par ce lieu dont la fréquentation cumulée depuis son ouverture a franchi la barre des 4,5 millions de visiteurs, et ce, avant l'exposition Basquiat-Schiele, l'un des évènements culturels de 2018.
C'est en rachetant Financière Agache aux frères Willot, en 1984, que Bernard Arnault a hérité de la concession (1952-1993) du JDA logée dans le groupe Boussac aux côtés de Christian Dior, Le Bon Marché et d'autres actifs.
Inauguré, en 1860, sous le Second Empire, le JDA a accueilli, dès 1942, les forains et leurs attractions installés depuis 1909 au Luna Park situé Porte Maillot et fermé en 1946. En le reprenant, en 1952, Marcel Boussac laissa les forains dans leur univers “fait de bric et de broc” sans trop se soucier de la gestion et de l'entretien des manèges.
Lors du renouvèlement, en 1995, pour 20 ans, de la concession à la Société du Jardin d’acclimatation (SJA) détenue à près de 100% par LVMH, les forains ont continué à exploiter à leur manière (notamment l'immuable système de jetons) les manèges et les stands qu'ils exploitaient en qualité de sous-concessionnaire. Les activités à vocation plus éducative, culturelle ou sportive ainsi que l'entretien des espaces verts restant à la charge du concessionnaire. Pour animer et égayer les lieux, la direction artistique fût confiée à l'artiste Hyppolite Romain qui fit l'unanimité comme le montre sa longévité (17 ans) à ce poste.
Durant cette concession où la Ville de Paris a perçu 800.000 € de redevance annuelle, la fréquentation est passée de 1 million (1995) à 1,2 million (2004) puis à 1,7 million (2014) pour atteindre 2 millions après l'ouverture de la fondation. A compter de la signature de son acte fondateur, en 2007, les capex alloués au JDA ont sensiblement augmenté (2 M€/an en moyenne) pour atteindre le quadruple (25 M€) des engagements (6 M€) prèvus par la concession.
Quelques mois avant son échéance, à l'été 2015, le torchon qui brûlait déjà depuis plusieurs années (notamment au sujet de la billetterie et l'entretien des manèges) entre la SJA et Ludo Vert, devenu au fil des ans l’unique sous-concessionnaire des manèges et stands forains en dehors des activités de restauration, a fini par se consumer.
Victime, 2 ans plus tôt, d'une lâche aggression dans son hôtel particulier de la Villa Maillot en lisière du Bois de Boulogne, Roger Sacreste, son dirigeant, né dans une roulotte en 1936, décidait de plier bagages après 76 ans de présence au JDA. A la tête de 47 stands et manèges, les 3 autres attractions foraines (la rivière enchantée, les papillons d’Alice, les bateaux téléguidés) étant directement exploitées avec le petit train par la SJA, Ludo Vert n'a pas souhaité répondre au nouvel appel d'offres lancé par la ville de Paris. Lequel prévoyait d'importants capex à la charge du concessionnaire et une forte augmentation de la redevance.
En décembre 2015, contestant le fait que les attractions exploitées par Ludo Vert revenaient à la ville comme “biens de retour” à l'issue de la concession (Long Weil et Braibant ont dû se retourner dans leur tombe), Roger Sacreste, venu les récupérer, n'est pas parvenu à ses fins. Dans la foulée, les 130 salariés de Ludo Vert se sont tous retrouvés sur le carreau. En les embauchant, en janvier 2016, pour continuer à faire tourner les ménages, la SAJ, se subrogeant à la défaillance du sous-concessionnaire, a découvert toute une série d'entorses au droit du travail.
S'estimant lésé, Roger Sacreste ne s'est pas contenté de saisir la justice, il a également sollicité le soutien des forains. Lesquels ont exprimé leur mécontentement par diverses actions voyantes et plus ou moins musclées. L'une (la manoeuvre dangereuse d'un camion de forains à un barrage routier dans le Bois de Boulogne) d'elles a failli très mal se terminer pour Patrick Sayer alors qu'il circulait en 2 roues.
Seul candidat à remettre une offre ferme, LVMH, rejoint par la Compagnie des Alpes (associé au projet à hauteur de 20%), a été réconduit, en octobre 2016, pour une nouvelle concession (25 ans). Après 10 mois de travaux (1 de plus que prévu), 60 M€ d'investissements (payés full equity), le parc a réussi à se réinventer à la différence du Zoo de Vincennes manifestement en mal d'inspiration. Le 1er juin dernier, il réouvrait ses portes au public.
Avec 33 M€ alloués à la rénovation du patrimoine Napoléon III, à l'embellissement de nouvelles allées, plans d'eau et plantations (en tout 18 hectares entièrement repaysagés), les habitués ont retrouvé la rivière enchantée et le petit train de leur enfance. Sans oublier la ferme normande et ses animaux (98 mammifères) ainsi que la grande volière et ses 150 oiseaux exotiques avec son enclos accessible pour nourrir les loriquets au nectar.
Le solde (27 M€) a servi à acquérir et concevoir (avec l'expertise de la Compagnie des Alpes), 17 nouvelles attractions (3 roller coasters, les bâteaux volants, etc..). S'inspirant également de l'esprit steampuk, les 23 autres manèges existants ont tous été modernisés et rethématisés. Sur les 40, 10 sont d'accès gratuit avec un billet d'entrée à 4,9 € sachant que 30% des entrées du JDA sont gratuites ou à prix réduit (scolaires, centres de loirsir, RMI, RSA etc..).
Après seulement 3 mois d'exploitation, l'objectif (3 millions de visiteurs en 2025) devrait être atteint plus rapidement que prévu. Durant la période estivale, 735.000 visiteurs ont été recensés, certains n'hésitant pas à braver la canicule.
Un chiffre encourageant pour le nouveau JDA qui compte faire jeu égal avec les parcs de loisirs du calibre d'Astérix, du Futuroscope ou du Puy du fou. A l'étranger, plusieurs villes comme le Caire et Mexico ont d'ores et déjà approché le consortium (LVMH-Cie des Alpes) pour redynamiser leurs jardins publics.