Pour fêter sa maîtrise de droit, obtenue à 20 ans, Yves Wehrli avait invité sa copine (de l'époque) au cinéma voir Coup de Tête (1979) sans se douter, un seul instant, qu'il se retrouverait, l'année suivante, dans la même situation que François Perrin (Patrick Dewaere) en rejoignant Clifford Turner, son DESS (Master 2) en poche.
Pour effacer le sourire des avocats qui cumulent une solide formation en droit (doctorat) avec HEC et un LLM d'Ivy League, rappelons qu'à l'époque, du temps où Erasmus et internet n'existaient pas, les critères d'entrée dans les law firm étaient plus souples que maintenant. Pour leur gouverne, ce ne sont pas toujours les plus diplômés qui brillent dans la vie idem dans les law firms.
Dans cette satire du football amateur, un jeune paumé un peu crédule évoluant dans l'équipe réserve, injustement accusé d'un viol pour couvrir le joueur vedette, se venge des notables de province après avoir qualifié le club en Coupe de France.
Dès son arrivée rue Brunel, Françoise Pannier, une associée, plus collet-monté que collé-serré, choquée par sa façon de se présenter en entrant dans son bureau “Moi c'est Wherli et vous ?”, a voulu mettre fin, sur le champ, à sa collaboration.
Pour ce jeune de quartier (Vitry sur Seine) qui hésitait entre une carrière dans le droit ou le football avec un poste d'attaquant qui l'attendait au Racing de Paris, un club de ligue 2, tout a failli basculer ce jour là.
Heureusement après l'intervention bienveillante de Pierre Verkhovskoy et d'Henry Lazarski, les choses se sont arrangées. Réhabilité comme François Perrin, ce jeune avocat allait connaître un fabuleux destin et établir un record de longévité comme managing partner d'une magic circle firm. Avec le temps et au prix de quelques arrangements, Vladimir Poutine devrait parvenir à l'égaler.
Après s'être bien intégré et réussi à se faire une place en droit des sociétés, Yves Wherli rencontre, en 1984, la nièce de l'un de ses associés, Jean-Jacques Caussain, stagiaire au cabinet. Quelques mois plus tard, elle vient s'installer chez lui dans un appartement qu'il partage avec des amis et découvre la vie de bohème si bien chantée par Charles Aznavour.
Essaye-t-on de l'éloigner de Paris ? En tout cas on lui propose, en 1985, d'être détaché au bureau de Tokyo. Ne sachant pas manger avec des baguettes, il refuse ce poste mais accepte de partir 6 mois à Toulouse à la direction juridique d'Airbus, un client de Trevor Brown.
Président des alumni de Cambridge à Paris, ce parent d'un des 5 agents (Stanley, Hicks, Homer, Johnson, Liszt) du MI5 rendus célèbres pour “avoir filé à l'anglaise” de leur pays, a préféré changer d'air en traversant le Channel. D'où son extrême discrétion sur tout ce qui touchait de près ou de loin à sa famille.
En 1987, au bout de 6 ans d'expérience si l'on enlève celle passée sous les drapeaux où il s'est économisé comme Frédéric Peltier plus tard lors de son passage Place Vendôme, il estime qu'il est temps qu'il soit nommé associé.
La chance sourit au jeune papa dont le voeux est exaucé, dès 1988, l'année de la fusion entre Clifford Turner et Coward Chance. Aujourd'hui, une association aussi rapide, relève du miracle quand on connait les obstacles à franchir qui s'apparentent au parcours du combattant du CNEC (prononcé snake) effectué en nocturne par temps de pluie, avec le taux de perte que l'on connait.
En 1990, 4 ans après l'ouverture du bureau de Clifford Chance à NY, Trevor Brown, devenu managing partner, lui fait traverser l'Atlantique plus vite que Le Gendarme à New York (1965) sur Le France.
Là bas, en plein boom de l'aircraft finance, il se frotte aux foreign sales corporation, japan leveraged lease etc.., des montages dont la complexité le dépasse et pour lesquels il gardera, au fond de lui, une certaine méfiance envers ceux qui les maîtrisent.
Au bout de 2 ans et après avoir notamment découvert que les américains jouent au football avec les mains et que les YMCA ne sont pas des lieux de perdition comme le tube des Village People le laissait supposer, il rentre à Paris avec sa femme et ses 2 enfants, l'année où la France est désignée pour organiser la Coupe du Monde 1998. En le voyant ramener à la maison, une bouteille de Romané Conti, sa femme lui demande si ce n'est pas exagéré pour fêter cette nouvelle, il la rassure en lui disant qu'il la conserve pour le mariage de leur fille.
A son retour avenue Kléber, logé dans le même immeuble que le comité d'organisation de cet event planétaire, il s'inspire de l'exemple de Pierre Verkhovskoy avec Carrefour et joue, à fond, la carte de la proximité. Préparant longtemps à l'avance le casting de sa vie, il mobilise les compétences en interne. Et cela va réussir au delà de toutes ses espérances !
En 1994, 1 an après le départ à la retraite anticipé de Françoise Pannier, Clifford Chance est retenu comme conseil du comité d'organisation de la Coupe du monde.
Sa bonne connaissance de ce sport associée à sa bonhomie ont pesé dans la balance face à d'autres avocats bégueules plus attirés par l'Opéra, la Comédie Française, le Polo et le Jockey Club que les jeux du stade. Dans le landernau du ballon rond et du Barreau, le choix d'une UK law firm plutôt qu'un cabinet français crée l'émoi.
Devenu du jour au lendemain l'alter ego de Thierry Roland, Yves Wehrli, parti from scratch, se fait un nom dans le football, allant même jusqu'à obtenir les félicitations de Londres.
Celui qui au début hésitait entre le sport et le droit, arrive finalement à concilier les 2 en mouillant le maillot avec des joueurs devenus ses amis comme Jean Tigana, Dominique Rocheteau, Michel Platini. Que demander de mieux?
Après la victoire des bleus au Stade de France dont Clifford Chance s'est occupé du financement (de l'enceinte pas du match), Trevor Brown prend sa retraite et lui confie après 9 ans comme managing partner, le soin de lui succéder.
Sa 1ère décision est de remercier la dircom du cabinet, Dominique Holtzer, une ex-avocate dont le comportement erratique va déteindre, une fois chez Rambaud Martel, sur Delphine Deschamps.
Sûr de son fait, l'heureux élu conditionne son acceptation au remplacement du conseil de surveillance dont on veut l'entourer par un comité exécutif de 5 associés désigné par lui. Sa demande est acceptée et il accède, en 2000, à la tête du bureau de Paris tout en continuant de diriger la practice sport d'une law firm qui a changé de taille.
Après le rapprochement, à l'été 1999, avec l'américain Roger & Wells puis l'allemand Pünder, la magic circle firm compte 2800 avocats.
En parallèle de la Coupe du monde de Rugby 2007, de l'Euro 2016, de l'IPO (OL Group) et la vente de plusieurs clubs de football (PSG, OM) sans oublier l'appel d'offres (tous les 3 ans) des droits TV pour le compte de la LFF, Yves Wherli consacre la plupart de son temps au management. Non sans faire honneur au maillot n° 10 qu'il portait sur le terrain comme avant lui son ami Michel Platini et Zinedine Zidane par la suite.
Il devient leur égal comme celui de Fabienne Haas à la faveur de la promotion du 14 juillet 2010 où il reçoit l'insigne de chevalier de la Légion d'Honneur.
A la réouverture du Grand Palais, ce meneur de jeu a le nez creux en signant un partenariat avec la FIAC que lui envie tous ses concurrents. A son arrivée à NY, la découverte dans US Today, du rappel à Dieu de Keith Haring a du le sensibiliser à l'art moderne et à The Wizard of Oz. A ne pas confondre avec le film sorti la même année que Gone with the Wind (1939).
Mais avant tout, celui qui aurait déconseillé à l'un de ses associés de faire son coming out, sait affronter les problèmes quand il faut avec lucidité. Eric Davoudet peut lui être reconnaissant de l'avoir sorti d'une situation délicate ayant mis dans l'embarras plusieurs bureaux destinataires d'un mail du mari de sa secrétaire.
Idem pour Thierry Schoen prolongé de 2 ans comme equity partner dont l'élection comme MCO a été accueillie avec soulagement par ceux attendant d'intégrer le parnership. A bout, les plus impatients, auraient bien fini par le pousser dans les escaliers sous couvert de tester ses talents de skieur.
En 2005, il explique à Hervé Gastinel, à l'époque CEO de Terreal, qui se plaint que sa femme ne soit toujours pas associée après 13 ans, que ses résultats ne justifient pas cette promotion et l'invite à en tirer les conséquences. Plus tard, Laetitia Costa, bénéficiant pourtant du soutien et de l'attention assidus de Thierry Arachtingi, n'a pas, non plus, réussi à passer l'obstacle.
Mieux préparées, Marianne Pezant et Katrin Schallenberg l'ont franchi sans trop de difficultés. Chacune a emprunté une voie différente pour atteindre le graal. Estimant que dans ces conditions, son ascension était compromise en anti-trust, Emmanuel Durand a préféré gravir un autre sommet.
Bien que plus nombreuses qu'avant chez Clifford Chance, celles qui accèdent à l'equity se comptent encore sur les doigts d'une main. Dans cet exercice qui peut déboucher sur des tensions, Benjamin de Blégiers a établi un record qui comme celui d'Usain Bolt, n'est pas prêt de tomber.
A l'opposé d'autres law firms où l'ambiance peut se révéler délétère selon la personnalité du managing partner, chez Clifford Chance, elle a toujours été bonne même si David Préat ne peut s'empêcher de mettre son grain de sel un peu partout. Rien de plus normal puisque c'est lui qui cuisine à la maison.
Mais on n'est jamais à l'abri d'un imprévu. En devenant managing partner chez Orrick, Patrick Tardivy ne s'attendait pas à devoir signifier son départ à Pascal Agboyibor. après les révélations d'une toute jeune associate. Avec Avi Bitton, Yves Wehrli a pu donner l'impression d'être pris à défaut alors qu'en réalité, il ne s'agissait que d'une tempête dans un verre d'eau. Sentant le vent tourner, ce rookie s'était empressé de se faire élire au comité d'entreprise et comme délégué du personnel.
Profitant du fait que seul ce dernier mandat avait été contesté par un avocat in house et considéré comme frauduleux par la C.Cass, il s'est fait passer pour une victime, orchestrant une campagne que Brett O'Keefe, l'indécent présentateur de Free America dans Homeland, n'aurait pas renié.
En apprenant que plusieurs représentants d'associations juives s'étaient émus auprès du managing partner du sort réservé à ce “jeune et brillant avocat” dont ils ne tarissaient pas d'éloges, Michael Ellan Goldschmidt dont la famille partie d'Hambourg pour gagner New York s'était retrouvée à Liverpool, avait exprimé à son ami, sa colère et sa honte alors même qu'il était très affaibli par la maladie.
Dépité celui dont le grand père maternel, rescapé de Plaszów, témoigna au procès d'Amon Göth, le chef de camp sadique de La Liste Schindler (1993), préféra prendre sur lui pour ne pas envenimer d'avantage la situation..
Après cet épisode où il a fait l'objet d'une abondante correspondance, celui pour qui “l'ambition est un moteur sain et indispensable. Mais, sans l'humilité, l'ambition n'est qu'arrogance“, décide de se mettre à l'écriture.
Ce journaliste dont le nom déclenche chez Michel Frieh la même réaction que celle du commissaire Dreyfus quand on lui parle de l'inspecteur Clouzot, reçut une lettre.
Au demeurant sympathique, elle l'invitait à modérer son sens de la répartie après qu'une assistante du BD, un peu collet-monté, ait mal pris sa réflexion lors d'un cocktail. Alors qu'elle s'étonnait qu'il snobe le foie gras, il lui avait répondu “Cela se voit que vous aimez cela”.
En se rappelant qu'il avait fait aussi l'impasse sur les saucisses, il s'est dit qu'il l'avait échappé belle. Arrivée chez Barclays, cette boulimique s'attela à dénigrer méthodiquement la law firm qui l'avait pourtant porté (non sans mal) à bout de bras.
Alors qu'un rien l'habille, celui dont la chevelure est aussi hirsute que celle de Patrick Dewaere ou Laurent Baril, s'est demandé s'il ne devenait pas la perpétuelle victime de l'esprit chicanier de son hôte après une remarque sur sa tenue vestimentaire.
En délicatesse avec son tendon d'Achille, l'usual suspect s'était rendu, en tenue décontractée, au vernissage de la FIAC en pensant se fondre dans la faune bigarée croisée en dehors du péristyle réservé aux invités de Clifford Chance.
A ce mariage d'un counsel qu'il tenait à honorer de sa présence, en revanche la sienne n'était pas déplacée. A son arrivée en tenue de cycliste accompagné par son acolyte Alain Cayzac et un autre adepte de la “petite reine”, la mère du marié, fille d'un célèbre producteur de cinéma, s'apprêtait à raccompagner l'intrus avant que son fils, n'intervienne et lui dévoile son identité.
Ayant plus de qualités que de défauts et ses amis d'enfance qu'il voit toujours et invite souvent, peuvent en témoigner, l'âge aidant, leur ami Yves se bonnifie. Certains d'entre eux n'ont pas manqué d'être surpris quand il les a conviés au Gay Games dont Clifford Chance était gold member. Du coup, certains, animés encore à leur âge d'un humour potache, ont dû lui demander sur le ton de la plaisanterie ”rassures-nous quand tu te baissais pour ramasser ta savonnette dans les vestiaires, c'était bien de la maladresse?”.
En froid avec Michel Platini dont la rancune peut être tenace comme Jean-François Larios l'a constatée, on peut raisonnablement estimer que cette brouille n'est pas justifiée. Son jeune associé, Thibaud d’Alès, n'a pas ménagé sa peine pour tenter de disculper celui qui “n'a pas le tempéramment à boire du raplapa”, au sujet des 1,8 M€ versés, en 2011, par Sepp Blatter. Il n'y est pas parvenu et la présidence de la FIFA qui lui était promise, lui a échappé.
Quand le poste de global managing partner de Clifford Chance pour lequel il était pressenti, en 2014, a été confié à Matthew Layton, Yves Wehrli s'est contenté d'être regional managing partner continental Europe (2014-2018), sans en faire tout un plat. Après avoir exercé le nombre maximal de mandats, il céda ce poste à Charles Adams.
Si les choses avaient mieux tourné pour le petit-fils du patron du Café des sportifs à Jœuf (Lorraine), peut-être qu'Yves Wherly aurait fini sa carrière à Zurich?
Amateur du ballon rond, une passion qu'il a transmis à plusieurs collaboratrices comme d'autres choses, James Johnson, partner banking au bureau de Londres, a bien rejoint Leicester City, en 2016, au poste de directeur du club pour redresser les Foxes mal en point.
En sens inverse, après 3 ans comme administrateur, Jean-Luc Michaud, retraité de Freshfields, quittait le stade de l'Abbé-Deschamps où Coup de tête a été tourné. Achetée 6 M€, en 2013, par son ami Emmanuel Limido, la participation majoritaire dans l'AJ Auxerre était cédée après le décès de ce dernier pour 7 M€ au chinois Org Packaging.
Reste à savoir maintenant si pour son jubilé, Hold me (Mel Carter) ou Reviens JPP, reviens (Guignols de l'info) va raisonner rue d'Astorg où Mathieu Rémy lui a succédé avant son départ définitif de la magic circle firm en 2021? Lequel connait bien les lieux pour avoir effectué, en 1993, un stage d'étudiant à la documentation de Suez, le précédent occupant des lieux.
Enfin est-ce bien raisonnable après Clifford Chance de vouloir suivre l'exemple de Richard Parolai en s'improvisant aubergiste en bord de mer ou dans le Périgord en ouvrant un hôtel cossu plutôt qu'un B&B ou un YMCA?
Pourquoi ne pas ouvrir un bar tabac à Lens et l'appeler le Penalty et se retrouver au milieu des supporters du Stade Bollaert qu'il affectionne tant à se taper des ballons (de rouge) en entonnant “Au nord, c'étaient les corons, ...”?