Cible d’attaques répétées, l’EM Lyon fait front

novembre 11, 2020

Comme les étudiants de l'EM Lyon ont tous vu Homeland et Millenium, le pire est à venir si un fan de Lisbeth Salander découvre celui qui s'en prend à son école. En singeant Brett O' Keefe, il risque de finir tatoué sans parler du reste.
Dénonçant le traitement médiatique réservé par Challenges à leur école, auteur de 4 articles à charge en l'espace de 10 mois, un collectif de 1200 étudiants de l'EM Lyon publiait, au milieu de l'été, une lettre ouverte. Dans le lot, ceux qui ont assisté, médusés, à l'intervention (lunaire) de Laurent Wauquiez dont les propos avaient été enregistrés pour la postérité, étaient déjà vaccinés.
Dans un style direct, mesuré, clair et précis, elle répondait, point par point aux accusations dont l'école était la cible : Non, l'EM Lyon n’a pas été “décapitée”; Non, l’arrivée d’un fonds d’investissement n’est pas un “grand fiasco”; Non, la “forte hausse” des frais de scolarité n’est pas propre à l'EM Lyon; etc..
Après avoir fournit les explications battant en brèche les allégations du magazine, la riposte finissait par Non, la colère ne monte pas chez les étudiants tel que vous le décrivez.
Surprise à affabuler dans un article ”8h30 au Plaza, rdv du CAC 40”, Mélanie Delattre du Point s'était retrouvée dans la même situation qu'Aldolfo Ramirez déclenchant l'ire du Gal Spontz dans Papy fait de la résistance. L'article Breakfast at Plaza : What else? avait contribué à rétablir la vérité et à la rendre à jamais “tricard” dans ce palace.
Poliment invitée à se rapprocher de son confrère taclé dans son article avant la publication d'un droit de réponse dans Opérations Financières, elle ne s'était pas manifestée. Encore moins par la suite après s'être aperçue à qui elle s'en était pris.
Aussi proposer à des journalistes de vous rencontrer ou discuter pour avoir un avis un peu plus éclairé sur les réalités de l'EM Lyon après les avoir cloués au pilori, démontre la spontanéité de cette lettre ouverte mais également une certaine méconnaissance du monde de la presse.
Surtout quand on sait que Vincent Beaufils, le directeur de la rédaction de Challenges rappelle à certains Charles Tatum, le journaliste sans scrupules interprêté à l'écran par Kirk Douglas dans Ace in the hole (1951). Dans Millenium, il ne s'agit pas d'un ace mais de tout autre chose.
Pensant en avoir fini avec cette campagne de presse, l'EM Lyon découvrait, 3 semaines plus tard, le jour des résultats des admissions en écoles de commerce, un article du Monde la présentant “dans la tourmente suite à l'entrée de Qualium et de Bpifrance à son capital”.
Pourtant l'école, désormais autonome et rentable, est enviée par ses concurrentes parisiennes toujours alimentées par la CCI dont elles dépendent. Vue le niveau des subsides alloués, heureusement qu'elles peuvent compter sur la générosité de leurs alumni, tout en sachant que ce modèle n'est pas pérenne.
En juin 2019, à l'issue d'un process disputé où pas moins de 11 candidats dont ArdianIKFlorac et Téthys avaient remis une offre, Qualium, associé à Bpifrance, avait devancé Naxicap et Eurazeo PME, au finish.
Les 3 finalistes avaient présenté leurs atouts respectifs à l'EM Lyon et à la CCI. Au préalable, son président, Emmanuel Imberton, avait obtenu l'aval des élus pour le passage du régime associatif au privé avec la création en août 2018, d'Early Makers group. A l'issue d'une augmentation de capital (100 M€), la CCI en cédait 33%.
Après 40 M€ versés au closing, Qualium dont la CDC est le principal LP's va progressivement monter au capital d'Early Makers Group au fur et à mesure du versement du solde sur 5 ans, tout en préservant une minorité de blocage à la CCI.
Bienvenu, ce new money va financer le nouveau campus de Gerland. Cet ambitieux projet immobilier de 110 M€ piloté par Altarea Cogedim a été confié à l'architecte Philippe Chiambaretta. Dans le passé, il a transformé l'ancienne caserne de la Pépinière où Gide s'est installé. Une fois réceptionné par son propriétaire (une foncière détenue par une association), le nouveau campus sera ensuite loué à EM Lyon.
Artisan de son renouveau, Bernard Belletante, parti à Marseille redresser Euromed Management avant sa fusion dans Kedge, était revenu dans la capitale des Gaules, en 2014, comme directeur général de l'école où il a longtemps enseigné comme professeur de finance d'entreprise. L'intitulé du Vernimmen, la bible en la matière.
En 1991, déjà dans les mûrs, il assistait au lancement par l'ESC de Lyon d'une chaire “Ethique des affaires et civilisation européenne”, en présence de Michel Noir, maire de Lyon et de Jérôme Monod, PDG de la Lyonnaise des Eaux.
Heureusement depuis, l'eau a coulé sous les ponts. A nouveau inquiété par la justice, Pierre Botton n'est plus le gendre de l'ex-ministre du Commerce Extérieur et Alain Carignon, élargi (les mauvaise langues diront qu'il l'était déjà avant son entrée en prison) après 29 mois derrière les barreaux (un record pour un homme politique), a tenté, sans succès, un come back à Grenoble. Son inéligibilté (5 ans) étant prescrite depuis longtemps.
Sans être exceptionnels, les cours de “Nanard” comme le surnommait affectueusement ses élèves étaient, tout de même, bien plus captivants que ceux dispensés (depuis des lustres) par l'ineffable et attachant Maurice Nussenbaum, aux étudiants du Master 225 de Paris Dauphine. Lesquels lui ont donné comme surnom “Momo”.
Sous son ère, l'ex-Sub de Co Lyon a prospéré en appliquant des règles élémentaires de bonne gestion associant réduction des coûs et recherche de croissance. Certains ne l'ont pas supporté comme le montre les ruptures conventionnelles, démissions et licenciements recensés entre 2015 et 2017. Portant sur 130 postes, ce turn over n'a rien d'exceptionnel rapporté à l'effectif de l'école.
Les résultats ne se sont pas fait attendre, avec 6576 étudiants répartis sur l'ensemble de ses campus (Lyon, Paris, Casablanca, Shanghaï et Bhunaneswar en Inde), son CA s'est hissé à 110 M€ pour 12,4 M€ d'Ebitda. Ce chiffre ne tenant pas compte des subventions de la CCI. Et pour cause, son dernier versement (7,4 M€) remonte à 2014.
Atteint par la limite d'âge, Bernard Belletante passait le flambeau, en avril 2019, à Tawhid Chtioui, un enseignant passé par l'Edhec, l'ISG, l'ISEG, l'ICD avant de s'occuper du campus de Casablanca (3 ans) de l'EM Lyon. Dans la foulée, Bruno Bonnel cédait la présidence à Jean Eichenlaub après l'entrée de Qualium au capital. Un poste que Dominique Nouvellet a également occupé dans le passé.
Présenté comme l'écuyer de Bernard Belletante, Tawhid Chtioui s'est escrimé à montrer le contraire, en prenant le contrepied de son prédécesseur. D'inévitables tensions sont apparues et au printemps dernier, ce dernier jetait l'éponge au bout de 9 mois.
Toujours prêt à rendre service, l'ex-CEO d'Infogrames, débarqué en 2007 de l'entreprise de jeux vidéo qu'il avait fondé, s'est proposé de reprendre la place laissée vacante. Hélas, sans réussir à obtenir gain de cause.
Présenté par plusieurs membres de l'etablishment lyonnais comme une “fausse valeur par excellence capable de parler de tous les sujets sans ne rien dire”, l'actuel député LREM de la 6ème circonscription du Rhône, a, un temps, été le “Mr robot” de l'éphémère (27 mois) ministre Arnaud Montebourg, avant de reprendre le rôle tenu par Donald Trump dans la série The Apprentice : Qui décrochera le job? Faute d'audience, M6 décidait de diffuser la fin des épisodes sur 6play.
Est-il aussi mauvais perdant que le 45ème président des Etats-Unis refusant d'accepter la victoire de son adversaire Joe Biden, rien ne permet de l'affirmer. En tout cas, Deep Throat (pas le film) a attendu son départ et celui concomitant de Bernard Belletante pour se manifester.
Tout finit par se savoir. Plume de François Fillon, recrutée par Image 7 (Anne Méaux lui devait bien cela), après son départ de Marianne, Joseph Macé-Scaron ne dira pas le contraire. Encore plus à Lyon, ville de province où tout le monde se connait.
En se décommandant (pour cause de grève à la SNCF) au tout dernier moment pour présenter son ouvrage Servir devant un aéropage de notables acquis à ses idées, le Gal Pierre de Villiers a fait très mauvaise impression.
Finalement, le poste, si convointé, a été attribué à quelqu'un de beaucoup moins médiatique. C'est Isabelle Huault, présidente de l'université Paris-Dauphine, qui a été choisie pour prendre les rênes de l'école dont elle est diplômée.
A peine, entrée en fonction depuis le 1er septembre, Les Echos remettait le couvert, en titrant, le 26 octobre, "La business school de Lyon à la recherche de son prestige envolé".
Cette insistance a dû plaire à Sébastien Chabal qui comme d'autres anciens joueurs du XV tricolore, y termine un executive MBA.
A l'Ouest rien de nouveau, si ce n'est l'annonce, au milieu des accusations déjà égrenées auxquelles la lettre ouverte avait répondu, de la possibilité pour les alumni de prendre 4% du capital d'Early Makers group représentant un ticket de 5 M€.
Pour l'heure, l'effort consenti depuis plusieurs années pour renforcer les cours en ligne en prenant IBM comme prestataire, se révèle très utile, avec la crise sanitaire. Précurseur dans ce domaine, l'EM Lyon a généralisé depuis longtemps l'usage de Zoom, le passage au tout en ligne n'a donc pas posé de problèmes aux étudiants. Faute de moyens, d'autres grandes écoles ont pris du retard dans ce domaine.
Si la réputation de l'Edhec a, sans nul doute, bénéficié de la vente (200 M€), en début d'année, de Scientific Beta, à SGX, la Bourse de Singapour, il n'est pas sûr que le bashing subi par son concurrent direct lui soit aussi profitable que certains médias le prétendent.
Quant aux élèves lillois, nombreux s'étonnent comme Bruno de Pampelonne, l'alter ego Ch'ti de Jean Eichenlaub, de ce “traitement de faveur” réservé à l'EM Lyon sans pour autant s'en réjouir.