Habitué à faire des classements en tout genre y compris sur les tarifs de la prostitution par ville (Abidjan, Alger, Bamako, Bangui, Conakry, Casablanca, Douala etc..), l'hebdo fondé, en 1960, par Béchir Ben Yahmed, l'éphémère secrétaire d'Etat de l'information d'Habib Bourguiba, a étendu son champ d'enquête aux avocats d'affaires.
Mais là sans grille d'honoraires, peut être pour éviter toute comparaison mal venue ou tout simplement par manque de temps et de moyens.
Pour sa 5ème édition, il était 15 en 2013 à son lancement, la liste a été élargie à 50 noms.
Si ce chiffre conséquent a le mérite de faire plaisir à un plus grand nombre, il expose Jeune Afrique à la raillerie si jamais Fabrice Eboué s’aperçoit de la coïncidence de cette étude (limitée à l'Afrique francophone incluant le Maghreb) avec la sortie en salle de 50 shade of darker, la suite de 50 shades of grey.
Un moindre mal quand on connait l'inclination de son rédacteur en chef à réécrire l'histoire comme le montre sa dernière envolée sur le discours d'Alger d'Emmanuel Macron. Ce chiffre est également celui des otages fusillés à Nantes et dans ses environs, en 1941, parmi lesquels figurait Guy Moquet, l'une des innombrables victimes des crimes contre l'humanité perpétrés par les nazis.
Bénéficiaire d'un encadré qui lui est entièrement dévoué, Paul Jing, compatriote du père de l'humoriste, pourra toujours tenter de l'en dissuader. Mais pas certain qu'il y parvienne. Déjà dans Le Crocodile du Botswanga, cet insolent n'a pas hésité à s'inspirer des simagrées d'une 1ère dame au passé controversé, 37 ans plus jeune que son époux, habituée du Club 78 (pas celui des Champs-Elysées) pour écrire le rôle de l'épouse du dictateur Bobo Babimbi interprété par Thomas Ngijol au bagou intarissable.
Mieux canalisé, ce don d'éloquence peut conduire d'autres adeptes du stand up à passer le concours de la Conférence dont les 12 meilleurs sont désignés secrétaire.
Une distinction qu'aucun des avocats du Top 50 de Jeune Afrique qui à 57 ans passé devrait penser à changer de nom, n'a réussi à décrocher du moins pour ceux qui l'ont tenté. Mais par charité chrétienne, on taira leur nom pour ne pas “sortir les draps”.
Comme lors des précédents classements, l'hebdo, un temps interdit en Algérie accusé de sympathie avec le Maroc, fait la part belle aux avocats du royaume chérifien avec pas moins de 6 nominés.
A commencer par l'incontournable Hicham Naciri (n°6) d'Allen & Overy devancé au classement par son compatriote Kamal Nasrollah (n°5) de Baker & Mc Kenzie, un crime de lèse majesté justifié par son rôle dans le partenariat stratégique et capitalistique entre la SNI et Lafarge Holcim.
Plus loin, on retrouve Mustapha Mourahib (n°28) devancé par l'une de ses associées de Clifford Chance, Delphine Siino Courtin (n°14), protégée de Tony Gustini.
Au pays de Much Loved où le film est interdit, cela n'a pas du passer inaperçu. Avant d'ouvrir le bureau de Clifford Chance à Casablanca, ce natif de la Sarthe faisait du leveraged finance avec son mentor dans l'une des équipes les plus en vue de la Place, du temps de la double Luxco.
Dans cette liste qui recèle plusieurs “petits blancs” dont certains se demandent encore ce qu'ils y font, quelques “Bounty”, 5 “blanches” mais pas une seule “soeur” ni même une “pute à blanc” selon la déplorable expression consacrée, la majorité ne sont pas des spécialistes de l'Afrique.
A l'instar des 3 représentants de DLA Piper (Michael Ostrove, Eric Villateau et Alexander Brabant), la plupart y travaille de façon sporadique en fonction des besoins de leur practice. Egalement par nécessité quand la concurrence devient trop forte en France. Pour ceux-là, l'Afrique est bonne hôtesse.
Incontournable en arbitrage international, Emmanuel Gaillard (n°16) entraîne sans son sillage son associée Yas Banifatemi (n°29) également protégée des retombées non pas de Tchernobyl mais de Yukos. Idem en Infrastructures où le leadership de Bertrand Andriani (n°21) s'étend jusqu'au continent noir.
Cette practice très utilisée et l'on comprend aisément pourquoi, explique la présence de Christophe Asselineau (n°11) aussi à l'aise en Afrique francophone qu'anglophone. Mais également d'Anne Lapierre (n°15) en (et seulement) énergie renouvelable, expertise qu'elle a su exporter sur le continent noir, sans oublier Paule Biensan (n°22) et Tim Scales (n°42).
Comme tout classement, il comporte son lot d'incohérences et d'oublis. Capable d'intervenir tant sur l'Afrique anglophone que francophone, Simon Ratledge d'Orrick aurait mérité d'y figurer et bien en amont de Richard Mugni (n°50), bon dernier, surnommé “Papa m'a dit” en raison de ses relations avec Vincent Bolloré, son principal client et ancien employeur.
Quant à Barthélemy Faye de Cleary Gotlieb, son absence inexpliquée crée la suspicion. Au point de pousser certains à se demander si Pierre-Yves Chabert, connu pour avoir longtemps fait le taxi-brousse entre Jouy en Josas et Paris au triple du prix pratiqué par Bernard Rubinstein, n'aurait pas intrigué pour empêcher son associé de lui faire de l'ombre ?
En M&A où l'homonyme du célèbre colonel excelle, François Hellot (n°41) de Dechert est distingué pour avoir conseillé Orange à l'achat sur les actifs de l'indien Bharti Airtel (Burkina, Sierra Leone) après avoir également convoité ceux du Tchad et du Congo et à la vente sur la sortie de l'opérateur du Kenya.
Parmi les rares africains du classement, on retrouve quelques “blancs” méritant cette appellation contrôlée utilisée par le film éponyme interprété par Philippe Noiret, à ne pas confondre avec Coup de torchon dans lequel ce grand acteur a également joué, encore moins avec La victoire en chantant où il ne figure pas au générique.
Incontestablement François Krottof (n°7) de Gide fait partie de cette caste et figure à sa place dans le Top 10, pas sûr que son “petit frère” Stéphane Vernay (n°13) arrive à marcher dans ses pas.
Basé pendant 8 ans au Gabon quand il travaillait chez Price Waterhouse, Stéphane Brabant (n°9), head Afrique et co-head mining mondial chez Herbert Smith mérite également ce statut envié. Ex-Gide passé chez Jones Day, Rémi Fekete (n°17), le spécialiste TMT peut également s'enorgueillir de cette proximité avec plusieurs hauts dirigeants africains qui ne l'accordent qu'avec parcimonie aux plus méritants.
En s'intéressant d'un peu plus près aux relations trilatérales entre l'ex-colonisateur - l'Afrique et la Chine, l'hebdo aurait pu rééquilibrer la parité en intégrant dans le classement la discrète Hu Qian, associée chez Jones Day spécialiste des dérivés de crédit, dont les interventions sporadiques sur certains dossiers en Afrique n'ont rien à envier à la précision et à l'efficacité de l'acupuncture.
Enfin, ce travail (pas de si longue haleine que cela) évitant de ressusciter une expression française tout aussi déplorable que celle citée plus haut, a le mérite d'exister. Il parvient à sauver les apparences en rendant à César ce qui appartient à César.
En effet, qui mieux que Pascal Agboyibor (n°1) représente le formidable dynamisme de cette élite née au pays, venue étudier, en France, dans des conditions pas toujours faciles qui a patiemment attendu le moment opportun pour s'imposer par son sérieux et sa légitimité utilisant à bon escient son réseau hérité de son père.
Collaborateur chez Jeantet avant de rejoindre Watson Farley Williams puis Orrick où il est devenu associé puis managing partner du bureau de Paris, il a été intronisé head Afrique de l'US law firm au niveau mondial. Ce parcours n'est pas sans rappeler celui effectué par Samir Assaf, bousier arrivé du Liban pour finir ses études en France passé par Total, le CCF puis HSBC où il a gravi tous les échelons pour se retrouver global head CIB.
Avant de travailler sur l'Afrique où son influence dépasse les frontières du Togo, le fondateur du Club Kléber créé, en 1997 (l'année où le Sénégal était mis à l'honneur au Prix de Diane - Hermès), dont le nom (par facilité) est celui de son ex-adresse, a commencé par se frotter à la titrisation en National avant de monter en Ligue 2.
Cette practice est connue pour être le “pré carré” d'un ”grand frère” tout aussi connecté dans ce domaine que Jacques Foccart du temps de la France-Afrique. Par le plus grand des hasards, le nom du général assassiné au Caire pendant la campagne d'Egypte, a servi d'indicatif au capitaine Krottof du 11ème Choc.
Réputé pour être aussi sélect que le Keur Samba, quand Omar se faisait photographier avec Mohamed Ali et refusait l'entrée à Johnny Hallyday et Serge Gainsbourg lorsqu'ils débarquaient en jean, le Club Kléber a accueilli plusieurs invités dont DSK bien avant sa rencontre avec Nafissatou Diallo. Espérons pour son président que ce fait divers ne lui attire pas le “mauvais oeil”.
Comme tout club qui se respecte, un tri est fait à l'entrée et cela n'a pas manqué de créer quelques frustrations notamment auprès de plusieurs candidats nés en France de parents africains. Pas toujours facile à accepter pour des jeunes de la génération de Black M qui chante si bien "la France est belle mais elle m'a regardé de haut comme la Tour Eiffel".