Tous ceux ayant aperçu RDDV à la réception donnée par Zhai Jun, le nouvel ambassadeur de la RPC en France, à l'occasion de la fête du Printemps quelques jours avant le D Day, ont eu l'impression de croiser le Christ sur son chemin de croix. Accaparé par ceux qui souhaitaient obtenir des invitations pour leurs ”poussins”, l'ex-ministre de la culture, reconverti dans l’événementiel, ne s'attendait certainement pas à subir un tel choc culturel en organisant (en grande pompe) la Nuit de Chine au Grand Palais.
Manifestement comme d'autres avant lui, il a découvert en recevant tardivement la (longue) liste d'invités de l'ambassade à J-10 de la soirée que RSVP ne faisait pas partie du vocabulaire chinois.
Aussi ce 27 janvier 2014 commémorant le 50ème anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre la France et la RPC à l'initiative du Général de Gaulle, tous les projecteurs étaient braqués sur cette soirée de prestige en présence de Jean-Marc Ayrault et de Cai Wu l'homologue chinois d'Aurélie Filipetti où se pressait le Tout-Paris de la politique et des affaires. Cet événement tant attendu s'annonçait sous les meilleurs auspices; la veille Li Na avait remporté le tournoi de Melbourne et l'équipe de France de Handball était redevenue championne d'Europe en écrasant le Danemark.
Mais en Chine plus qu'ailleurs, Feng Shui oblige,”le diable se cache dans les détails”. Chez les adeptes du protocole, l'accueil des 5000 invités sans la garde républicaine (sabre au clair) n'est pas passé inaperçu. Une fois franchi (sans trop d'encombre) le contrôle, les happy few dirigés vers 4 buffets au couleur de leur invitation ont eu du mal à se retrouver sous une nef plongée dans la pénombre.
Pour les mieux lotis (bleu, jaune) et bien sûr rouge (ceux attendus au dîner de 650 couverts), du champagne Moet & Chandon leurs était servi. Du coup trop occupés par les bulles, rares sont ceux qui ont prêté attention à la troupe acrobatique de Shanghai déguisée en lapin, en train de s'échauffer.
Heureusement pour cet époustouflant numéro de ”petite reine” si chère au cœur des français, la panne subite du lapin de jade (玉兔) arrivé sans encombres sur la lune, 5 semaines auparavant, n'a eu aucune incidence sur leurs tours de piste comme certains pouvaient le craindre. Dommage qu'hormis ceux collés à la scène ou ayant accès (badge blanc) au 1er étage contrôlé par les policiers du SPHP, peu ont profité du spectacle.
En prélude aux discours officiels où notre 1er ministre - ancien professeur d'allemand mais pas d'histoire - salua une civilisation millénaire (en fait 5 fois millénaire), Claire Chazal aurait été bien inspirée d'annoncer le remplacement au pied levé de Lang Lang par Mu Ye Wu, autre prodige chinois du piano mais beaucoup moins connu que son aîné de 3 ans.
Résultat : plusieurs invités chinois ont cru (à tort) qu'on essayait de leurs ”faire prendre des vessies pour des lanternes”. Leurs rappeler qu'importe qu'un chat soit blanc ou noir, l'essentiel est qu'il attrape la souris aurait été mal venu car l'organisation de cet event au budget - entièrement financé par le privé - de 2 M€ (cher payé pour certains) n'était pas encore au bout de ses peines. Ainsi le spectacle de Bartabas célébrant avec panache l'année du cheval en s'inspirant du mausolée de l'empereur Qin (210 av. J-C) présenté avec le soutien d'Hermès, a fait fuir, la délégation de Bank of China. Effrayés par le début leurs rappelant une procession funéraire, ils ont (sagement) préféré voir ailleurs pour s'attirer meilleure fortune.
Rien d'étonnant à cela sachant que pendant le nouvel an (fête du Printemps), les chinois ne se précipitent pas à l'hôpital rendre visite à leurs proches pour éviter de tomber malade pendant l'année qui suit! Déjà avec Shang Xia (up & down), certains estiment qu'Hermès est passé à côté de la subtilité de la calligraphie chinoise. En effet, la combinaison des 2 caractères signifie obstruer. Difficile à concilier avec la prospérité, le Graal que tout bon chinois qui se respecte, cherche à atteindre.
Le 27 janvier est aussi le jour où Louis de Funès, l'un des acteurs français les plus connus en Chine, nous a quitté. Personne n'a oublié cette scène d'anthologie du ”Corniaud” où il emboutit place du Panthéon la 2 CV conduite par Bourvil. D'autres extraits, ceux de films chinois (pas tous visés par le SARFT) sélectionnés à Cannes depuis 1962, passaient en boucle sur d'immenses voilures séparant la nef.
Sponsor le plus visible de la soirée avec la DS du Général de Gaulle mis en évidence mais surtout avec les food trucks dont la présence était une faute de goût à l'image de la nourriture qu'ils vendaient, Citroën a fini par exaspérer plusieurs personnalités. A leur sortie du dîner donné en leur honneur, un”schpountz” de la marque connue en Chine depuis la croisière jaune se chargeait de faire clignoter les phares du dernier modèle espérant ainsi trouver grâce aux yeux des chinois ! Pour accéder à cette partie privatisée du Grand Palais, il fallait débourser 6000 € par couvert et 25.000 € pour une table de 10. Un prix beaucoup plus raisonnable que les 17.000 € payés par Hublot pour un couvert (au lieu de 2 prévus) au dîner organisé en catimini à l'ambassade de RPC en l'honneur de Gong Li invitée d'honneur du 2ème festival du cinéma chinois en France (FCCF) dont l'équipe (au complet) était présente à la Nuit de Chine.
Le souper (léger) préparé et servi par Potel & Chabot se composait d'un pressé de fois gras artichaut vinaigrette champignon noir (terme circulant sur la blogosphère chinoise pour désigner de façon moins élégante les ”fleurs”), suivi d'un filet de veau à la cendre de légumes, d'un choux chinois (Kao Qing Cai) - traduit en cantonnais (Pak Choi) sur le menu ce qui n'a pas échappé aux officiels chinois -, d'une purée de carotte au calamansi (une petite note de citron) et pour finir une soupe de litchi sorbet à l’hibiscus - madeleine au thé vert. Le tout accompagné d'un Château Clarke et d'un Merle Blanc offerts par la Compagnie Edmond de Rothschild et d'un cognac Hennessy XO gracieusement apporté par la maison éponyme.
Malgré les torchères installées autour des tables, plusieurs invitées en particulier celles venues à l'instar de cette directrice des prévisions économiques au MOFCOM en qipao (robe traditionnelle chinoise portée pour le nouvel an) n'ayant pas lu sur l'invitation la recommandation de s'habiller chaudement, devaient avoir hâte que le dîner se termine pour ne pas finir en glaçon. Beaucoup plus prévoyante, Bernadette Chirac était venue avec son vison et son inséparable sac à main, ce soir là un Kelly Lakis (king size).
Pendant ce temps sous la nef, les (maigres) buffets - dressés pour les 4000 invités - étaient pris d'assaut par les français (n'ayant pas perdu leur instinct gaulois) sous le regard médusé des chinois se demandant s'ils n'assistaient pas au déferlement d'une horde Xiongnu finalement endigué par la construction de la Grande Muraille?
Venue en tenue mais sans leur sabre, la quinzaine d'X chinois (dont 3 filles) ont eu toutes les peines du monde à accéder aux jambons de Bayonne, huîtres, tommes et pruneaux d'Agen censés leurs faire découvrir les produits du terroir. Tout au long de la soirée, ils sont restés groupés, peut être pour ne pas braver ce dicton chinois 枪打出头鸟 (celui qui se fait remarquer, risque de se faire attraper). Beaucoup d'autres étudiants chinois (plus ou moins jeunes) auraient bien voulu être de la fête mais leurs associations n'ont pas toujours été en mesure d’exaucer leurs vœux. Elles s'en sont publiquement excusées, n'hésitant pas à faire (dans la tradition de la révolution culturelle) leur auto-critique. Mais dans l'Empire du Milieu, il n'est pas certain que ”faute avouée, soit à moitié pardonnée”.
Refusant de se battre pour un canapé (un petit four pour ne pas prêter à confusion), Ting Ting, une jeune chinoise pourtant dégourdie et dont la prestance avait attiré l'attention de VGE (toujours aussi vert heureusement sans chapeau de cette couleur) quelques jours plus tôt au Pré Catelan, décida d'écourter sa soirée.
En sortant, elle croisa la foule (8.000 visiteurs) attendant patiemment dans le froid l'ouverture (gratuite) au public pour assister au concert de Car Sick Cars, le groupe rock chinois du moment et danser aux rythmes électro jusqu'à 2.30 du matin (sans incident) et certainement sans la moindre pensée pour RDDV qui s'est tant démené pour les divertir. Mais ce dernier, prévenu dans le volet financier de l'affaire Karachi, sait qu'en France, il y a des services si grands qu'on ne peut les payer que par l'ingratitude!