Après avoir passé pour certains 15 jours sous terre en opex, à son retour, jamais acquis d'avance, un militaire français n'est pas toujours assuré de retrouver sa famille dans un logement à la hauteur de son engagement. Pour s'en convaincre, il suffit de constater l'état de vieillissement avancé du parc locatif de la Grande Muette.
Outre Manche, cela fait déjà 25 ans que le MoD a pris les choses en main, retenant comme solution un sale & lease back de 200 ans.
En 1996, Guy Hands alors chez Nomura, à la tête de l'activité principal finance group qu'il a créée, reprenait, via Annington Homes, 57.400 logements occupés par les militaires de sa gracieuse majesté pour 1,67 Md£.
Une fois rénovés, ils ont été reloués aux familles de soldats avec un discount de 58% pendant 25 ans.
En 2021, le parc cédé par le MoD vaut désormais 6,7 Md£ et l'annuité de loyer payé par ce dernier atteint 167 M£ pour 39.014 logements dont 19,7% sont inoccupés. Entre temps, Annington Homes a vendu 20.000 logements que le MoD n'utilisait plus.
Cerise sur le gâteau, les frais d'entretien des 19,7% sont toujours à sa charge pour que la foncière puisse les vendre en bon état.
Moins ambitieux et plus à long à sortir des cartons ; de fait, en 2015, la France a été le dernier pays de l'OTAN à regrouper les états majors des 3 armées sur un même site, CEGelog concerne 14.258 logements répartis sur 55 sites en métropole.
En comptant les autres dont ceux situés en outre-mer et à l'étranger, le parc global s'élève à 46.685 logements dont la plupart (68%) est réservée par convention auprès de bailleurs. Le solde se répartit entre le domaine public (25%) et des locations (7%).
Après avoir étudié plusieurs options, vente du parc, création d'une foncière avec un partenaire sur le modèle de Vesta (SNCF) et Cronos (In'Li, filiale d'Action Logement), le MdA a finalement opté pour une DSP de 35 ans, d'un coût de 6 Md€ réparti sur la période.
A charge pour le concessionnaire de rénover les 8258 logements gérés par CDC Habitat, d'en construire ou d'en acquérir 2500 autres et d'hériter des 4000 sous baux emphytéotiques administratifs, le tout dans une démarche bas carbone.
Pas moins de 3 tours d'appel d'offres ont été nécessaire pour désigner, au bout de 2,5 ans, l'attributaire du contrat d'externalisation pour la gestion des logements (CEGelog) domaniaux du Ministère des Armées (MdA).
Visé par plusieurs enquêtes sur L'Hexagone Balard, Bouygues a préféré rester à l'écart de ce PPP dont le consortium composé de CDC Habitat associé à Vinci et EDF Invest faisait figure, pour certains, de grand favori.
Pour d'autres moins, tant la gestion par l'ex-SNI du parc que le MdA lui avait confiée, fin 2008, pour 12 ans, était décriée. Des 3 autres consortiums en course, l'attelage Vauban-Nexity-Engie a déclaré forfait lors de la remise de l'offre finale, en juillet 2021.
Associé à 3F, 1er bailleur social tricolore, Méridiam a assisté de loin au finish remporté, 4 mois plus tard, par Eiffage et Arcade VYV, filiale de gestion locative du Crédit Agricole.
Après une période de transfert avec CDC Habitat, la gestion effective du PPP doit commencer début 2023. Confiée à Arcade VYV, avec l'espoir d’une amélioration significative de la qualité du service notamment par le recours au digital, elle doit aussi faciliter les mutations géographiques. Conséquence du putsch des généraux d'Alger, cette mesure est imposée tous les 3 ans aux militaires et à leur famille.
Répartie en 7 tranches s'étalant jusqu'à fin 2029, la remise à niveau technique et l’extension du parc par la rénovation et la construction de nouveaux logements est confiée à Eiffage Construction.
Lequel hérite aussi, avec son partenaire, de l’entretien-maintenance qu'il sous-traite et du gros-entretien de l’ensemble du parc pendant toute la durée du contrat.
Pour les besoin de cette opération placée sous le contrôle vigilant du MdA, en lien avec la DIE, co-signataire de cette DSP, Nové a obtenu des financements et bénéficié de subventions.
Capitalisée à hauteur de 129 M€ et détenue à parité par Eiffage et Arcade VYV, la société projet a pu compter sur un pool bancaire composé de la BEI, SG, BNP Paribas, CA CIB et sa soeur Oxifip, KFW, Caixa, NordLB et SaarLB.
Ensemble, il lui apporte un crédit construction (970 M€) réparti entre une tranche projet (420 M€ à 25 ans à Euribor+160 pb) dont la BEI prend 233 M€ et une tranche (550 M€ à 35 ans à Euribor+160 pb) appelée, à réception des travaux, à faire l'objet d'une cession Dailly acceptée (Art. L 313-29 du CMF). Si son spread est ramené à Euribor+100 pb celui de la tranche projet passe à 185 pb.
Outre la BEI détenteur de la moitié de cette tranche, l'EPFP, le fonds de pension de l'Armée prend un ticket de 100 M€ en souscrivant aux obligations émises par le FFS CEGelog opéré par SG pour cause de monopole bancaire.
En l'absence d'un assureur comme Allianz sur le FCT Balzac mis en place pour refinancer L'Hexagone Balard, ce véhicule a été préféré au FCT considéré comme moins souple.
Pour que ces logements soient financièrement accessibles aux militaires, avec des loyers inférieurs au prix du marché, l'Etat met la main à la poche.
Outre une subvention d'équipement (1,1 Md€) allouée en période de construction dont en tout 178 M€ font l'objet d'une cession Dailly acceptée (Art. L 313-29 du CMF), Nové bénéficie également d'une subvention d'investissement (680 M€) éligible à l'Art. L 313-29 du CMF. Sans oublier une subvention d'exploitation (974 M€) qui en l'absence de son acceptation par l'Etat, relève de l'Art. L 313-23 du CMF.
Fidèle à elle même, la BEI a plutôt compliqué que facilité ce dossier où elle est omniprésente. Lequel avec une période de construction supérieure à 7 ans dépasse la durée habituelle de 5 ans. Sans oublier, l'absence de crédit TVA liée à la présence de logements sociaux qui empêche la récupération de l'impôt indirect.
■ Intervenants : E&Y (Olivier Bourelet), White & Case (Amaury de Feydeau, Jean-Luc Champy, Emmanuel Lebaude), Willkie Farr & Gallagher (Thierry Laloum, Amir Jahanguiri, Antoine Bouzanquet), De Pardieu (Jean-René Cazali).