Quand Matsuhisa rime avec Fauda

février 23, 2022

Nobu Matsuhisa va-t-il au devant du même destin que le vieux daimyo sous l'ère Edo dans Ran (1985)? Difficile d'occulter cette question après l'expérience vécue dans son restaurant parisien en l'absence d'Hideki Hendo, le chef en charge de la carte depuis son ouverture.
Laquelle remonte au 11 mars 2016, 5 ans, jour pour jour, après le tsunami à l'origine de la catastrophe de Fukushima et 1 semaine après un tout dernier passage au Royal Monceau.
Pour ne pas habituer 21 Centrale aux bonnes choses et leur faire économiser leurs semelles, un breakfast s'était tenu là-bas même si vos habitudes sont au Plaza.
Accueilli, ce jour là, par Brahim Yattar, de la même veine que le célèbre Werner Küchler, que l'article Raffles Royal Monceau : Le bar qui en dit long, avait bien distrait, tout s'annonçait bien.
Avant qu'un serveur vous apporte une crêpe brûlée présentée de façon à découvrir la supercherie en la recrachant. Le rappel à l'ordre de l'impudent avait permis de lui remémorer qu'il ne travaillait pas chez Flunch.
Même si vous aviez entendu parler de Matsuhisa, failli y déjeuner 2 fois avant que Jean Eichenlaub ne se décommande et que Laurent Borey en fasse autant, vous n'y aviez jamais mis les pieds.
En revanche, le Nobu de la rue Marbeuf ouvert 1 semaine avant les attentats du 11/09/2001, ne vous était pas inconnu. Prix élevés, service et accueil pas vraiment à la hauteur, 2 ans plus tard, Nobu Matsuhisa, associé à Jean-Luc Delarue et Hubert Boukobza, jetait l'éponge.
Mais après avoir fait la connaissance d'Hideki Hendo déjeunant à la terrasse du Flandrin avec Brahim Yattar, non loin d'Akrame, sa simplicité et sa bonhomie ne pouvaient que vous inciter à redécouvrir quelques uns des plats signatures de l'ami de Robert de Niro aperçu dans Casino (1995), préparés par la brigade de maîtres sushi qu'il dirige au Royal Monceau.
Histoire de comparer Matsuhisa et sa carte de style péruvo-japonais avec celles plus traditionnelles de Kiyomizu et Yoshi, là où vous avez vos habitudes comme chez Kei Kobayashi quand son restaurant n'est pas complet.
Tout va à point à qui sait attendre et vous y aller enfin avec l'un des acteurs du private equity en large cap que vous n'avez jamais eu l'occasion de rencontrer.
Un peu décontenancé par la carte, Miyasaki de Wagyu (80€/100 gr), bar chilien pôelé à la vinaigrette Jalapeno (54€), Tataki de Chu-Toro (42 €) etc.., vous demandez à votre convive qui connaît l'endroit, de bien vouloir choisir pour vous.
En lui priant d'éviter le tempura de crevettes des roches (29€) mal digéré, 3 semaines auparavant, par l'un des associés en droit public parmi les plus réputés de la Place, au carnet d'adresses épais comme un bottin. Lequel a cette faculté de se mettre au niveau de ses interlocuteurs pour la plupart conscients que la réciprocité n'est pas évidente.
Sage précaution puisque le riz croustillant (8 pièces) et thon épicé (28€) choisi 8 jours plus tôt chez Ran (18€), le restaurant exploité par Black Code (Kinugawa, Orient-Extrême) et Moma (Manko, Noto), n'avait pas manqué de vous faire penser au film éponyme d'Akira Kurosawa, inspiré du Roi Lear de Shakespeare, signifiant le chaos en français et Fauda en arabe.
Idem pour les autres plats, sans intérêt, gambas (5 de la taille d'une crevette) miso coréen (34€), filet de boeuf (80 gr) sauce béanaise (35€), riz à l'ail (7€), tartelette aux pommes (14€), café (10€), le tout arrosé d'un Château de Marsannay 2014 (160€) agréable au palet.
En dehors d'un associé de Gide attablé à quelques enjambées et d'un autre plus réputé de Clifford Chance avec qui vous déjeuniez, l'ex-1768, redécoré façon fashion week avec un service attentionné, n'est autre qu'un des repaires des fans de la série Dix pour cent.
A côté, moins friendly, doré et fréquenté, Matsuhisa fait has been avec un mobilier qui date et une ambiance qui n'est pas sans rappeler celle de la série Alice in Borderland.
Après qu'à votre demande, une serveuse vous ait mis une serviette en guise de nappe improvisée pour y poser vos baguettes, un cadeau du chef cantonais Franck Xu quand il était au Shang Palace, puis demandé à votre voisin de la table d'à côté de bien vouloir baisser le son de son portable et vous faire traîter en retour de fasciste, vous partez vous laver les mains.
Sur le passage, vous en profitez pour saluer un associé de Freshfields et pour une fois que vous n'êtes pas en sweet à capuche, 501 et baskets, comme la veille au Bristol, vous lui glissez que sa tenue est casual avant de lui proposer de lui présenter l'un de ses confrères avec qui vous allez déjeuner.
Mais parfois, et la dernière fois c'était déjà le cas avec un autre associé de ce magic circle, rien ne se passe comme prévu. A votre retour, un membre de la sécurité vous bloque l'accès au restaurant sous prétexte que la serveuse s'est plainte de votre attitude.
Après l'avoir écouté et répondu “pas de soucis, je suis un babtou” pour passer à autre chose. Sous entendu, je ne suis pas un “petit blanc”, tu ne m'impressionnes pas, je ne vois pas où est le problème, la serveuse est une mytho et accessoirement qu'au pays on chicote pour moins que cela. Manifestement irrité, il vous demande sur un ton agressif, “cela veut dire quoi?”.
Comme on vous attend et que vous n'êtes pas venu pour assister à votre procès, vous lui répondez que vous allez récupérer vos affaires et déjeuner ailleurs.
Comme il insiste et continue à entraver votre liberté de mouvement, vous demandez à parler au manager. A la place, vous vous retrouvez entouré par 2 autres de ses collègues tout aussi à l'Ouest, bien sûr sans le talent de Yayoi Kusama.
Cette situation n'est pas sans similitude avec celle vécue par les infortunés livreurs Deliveroo ayant parfois maille à partir avec la Police. A croire que les cambriolages, pourtant monnaie courante dans cet hôtel si l'on en juge par la presse à sensation, passent pour la dernière des préoccupations de la sécurité dont les priorités semblent inversement proportionnelles aux enjeux de leur fonction.
De quoi intriguer Sébastien Bazin qui a déboursé 2,6 Md€, en 2015, pour qu'Accor rachète au canadien FRHI, les enseignes Fairmont, Raffles et Swissôtel.
Après les avoir laissé, sans broncher, abimer l'image de l'hôtel déjà bien gâtée comme on dit au pays, en regagnant enfin votre table où les plats vous attendent, vous annoncez à votre convive qu'il va falloir se résoudre à aller déjeuner ailleurs.
Avant de partir, vous prenez le temps de saluer ce membre du comex d'Eurazeo sans lui glisser qu'il vous semble que le personnel ne sort pas des écoles hôtelières de Sommet Education.
Après ce contre-temps, et 15 minutes de marche, celui qui vous accompagne se retrouve à 2 pas de ses bureaux chez un chef formé chez Kai, un samouraï sushi réputé, où se retrouvaient les délégations nippones y compris ministérielles quand elles venaient à Paris.
En tout cas, si jamais Jérémie Jeausserand et Olivier de Panafieu souhaitent organiser, à nouveau, un dîner de soutien pour leur candidat, mieux vaut leur déconseiller de choisir cet hôtel, pour sûr, ce dernier aurait du mal à garder son calme.